5.3.1. Contenu et processus de négociation du Contrat d’agglomération Nord-Isère

Notre analyse porte ici essentiellement sur le processus de négociation du Contrat d’agglomération Nord-Isère. Du point de vue de l’analyse institutionnelle et juridique, le processus de négociation se traduit par deux aspects formels : d’une part, des obligations de consultation et de concertation imposées par les textes ; d’autre part, l’expression du consentement des personnes contractantes qui est également encadré (délibération et signature formelle du contrat).

Cependant, il faut immédiatement souligner que l’encadrement normatif du processus de négociation des contrats d’agglomération est très lâche comme l’a rappelé la DATAR (2002) 738  : « la procédure contractuelle dans les agglomérations, puisqu’elle est peu encadrée juridiquement et qu’elle est basée sur le respect des engagements mutuels des partenaires, doit donc être vue comme une occasion unique de retour du politique sur la scène de l’urbain ». Ce cadre peu formaliste incite dès lors à aller au-delà de l’analyse strictement juridique en abordant prioritairement les enjeux des négociations et les stratégies développées par les différents acteurs de la négociation. Cette approche peut s’illustrer autour de deux étapes essentielles de la contractualisation : la définition du programme d’actions devant permettre d’atteindre les objectifs fixés dans le projet de territoire et la négociation du contrat d’agglomération lui-même.

Avant d’aborder plus précisément la question du contenu même du contrat d’agglomération Nord-Isère et des enjeux des négociations qu’il a pu susciter, il est nécessaire de tenir compte de deux préalables car ils conditionnent justement le contenu du contrat et les négociations.

1/ Il faut tout d’abord souligner que le SATIN a missionné l’EPIDA 739 pour qu’il l’assiste dans l’élaboration du contrat, et en particulier dans la définition du contenu et dans les négociations avec les autres cocontractants (i.e. l’Etat, le Conseil Régional Rhône-Alpes et le Conseil Général de l’Isère). De son côté, le Préfet de l’Isère a lui aussi confié à l’EPIDA, en étroite collaborationavec les servicesde la Sous-Préfecturede La Tour-du-Pin, la mission de centraliser les contributions des services de l’Etat et de proposer un premier projet de contrat d’agglomération. L’EPIDA se trouve ici renforcé et légitimé dans son rôle de médiateur et de coordonnateur. Sa position d’acteur intermédiaire lui procure par ailleurs la capacité d’articuler et de contrôler à la fois les comportements des collectivités locales et territoriales, et des services déconcentrés de l’Etat. Au total, et bien que le contrat d’agglomération traduise formellement des engagements réciproques et un intérêt partagé entre les signataires, la configuration de cet arrangement politico-administratif, dans lequel l’EPIDA s’avère être l’acteur incontournable, tend à privilégier les enjeux de l’Etat sur ceux des collectivités locales signataires. A cet égard, il faut rappeler que l’Etat peut refuser de contractualiser si les actions ne sont pas conformes à ses propres orientations pour l’agglomération 740 . La position centrale de ces deux acteurs monopolistes (i.e. l’Etat et l’EPIDA) est par ailleurs renforcée par le fait que le Conseil Général de l’Isère et le Conseil Régional Rhône-Alpes n’ont jamais été associés à la démarche d’élaboration du contrat, et ce bien qu’ils soient cocontractants.

2/ La deuxième remarque préalable qu’il est nécessaire de relever concerne à la fois le problème de compétence du SATIN et le type d’action que les cocontractants peuvent financer. Les contrats d’agglomération, comme tous les contrats passés dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire, posent un problème essentiel qui n’est pas toujours bien résolu (G. Marcou, 2000). Ils sont généralement définis comme des contrats qui ont « pour objet de mettre en œuvre un programme ou un objet commun » et qui reposent « sur une certaine identité de buts entre les parties que concrétise ce programme ou ce projet » 741 .Mais, par définition, pour contracter, le cocontractant doit en avoir la capacité juridique, c’est-à-dire disposer à la fois de la personnalité juridique et de la compétence dans le domaine concerné par le contrat. C’est là une des difficultés des contrats d’aménagement car dans la mesure où ils portent sur un projet commun, il faut que celui-ci entre dans les compétences des divers cocontractants.Or, dans le cas du Contrat d’agglomération Nord-Isère, le problème s’avère complexe car le SATIN est un syndicat d’études provisoire. Il n’a de surcroît ni la compétence spécifique d’un établissement public de coopération intercommunale 742 , ni la compétence générale qui est celle de l’Etat ou des collectivités territoriales. Dès lors, le contenu du contrat d’agglomération de même que sa portée paraissent devoir être limités aux questions qui entrent dans le champ des compétences que leur donnent leurs statuts. Malgré la modification de l’objet du SATIN 743 , ses compétences demeurent fondamentalement cantonnées à la mise en œuvre et à la réalisation d’études, ce qui ne lui permet pas de conduire et de réaliser l’ensemble des actions prévues dans le Contrat d’agglomération Nord-Isère 744 . Une difficulté particulière risquerait en outre de se poser si le contrat attribue au SATIN un financement spécifique et identifié pour une opération ou un projet dont juridiquement il n’aurait pas la maîtrise d’ouvrage. Enfin, le délai de mise en œuvre extrêmement court du Contrat d’agglomération Nord-Isère 745 conditionne également le type même d’action susceptible d’être financée. En effet, dans le délai imparti (18 mois), seules des études de faisabilité et de programmation peuvent être envisagées et des financements correspondant à de l’ingénierie de projet arrêtés.

En tenant compte de ces deux préalables, l’analyse du contenu du Contrat d’agglomération portera non seulement sur les enjeux de l’Etat mais aussi sur ceux des collectivités locales signataires. Bien que la signature d’un contrat traduise la formalisation d’engagements réciproques en vue de poursuivre un but commun, nous verrons que leurs enjeux ne sont pas forcément identiques.

Notes
738.

DATAR, L’état des lieux des contrats d’agglomération, juillet 2002.

739.

Convention de mission d’assistance de l’EPIDA pour l’élaboration du contrat d’agglomération adoptée à l’unanimité par le Comité syndical du SATIN réuni le 7 octobre 2004.

740.

La circulaire du 7 juin 2001 évoque explicitement cette question. Nous pouvons ici faire un parallèle avec ce qui existe en matière de politique de l’habitat : le PLH est également un document décentralisé sur lequel le préfet n’a pas de prise ; en revanche, lorsque le PLH est intercommunal, une convention d’application du PLH doit être passée entre l’Etat et l’EPCI. Or en dépit de l’indicatif utilisé par la loi (« une convention entre l’Etat et l’EPCI fixe… »), les circulaires de programmation annuelle rappelaient fréquemment aux préfets que si l’EPCI s’était écarté des objectifs étatiques présentés à l’occasion de l’élaboration du PLH, il ne pouvait pas bénéficier de cette convention.

741.

MARCOU G., Annuaire français de droit de l’urbanisme et de l’habitat, 2000, Commentaire de la Loi Voynet,
p. 74.

742.

Ce dernier est en effet lié par le principe de spécialité des établissements publics.

743.

L’article 2 des statuts du SATIN a été modifié lors du comité syndical du 27 mai 2004. Il dispose que le syndicat a pour objet :

l’élaboration du Contrat d’agglomération à intervenir avec l’Etat, la Région Rhône-Alpes et le Département de l’Isère ;

la négociation de ce contrat avec les partenaires désignés ci-dessus avec l’objectif d’arrêter avec eux les études ainsi que les actions à retenir ;

la signature, le moment venu de ce Contrat d’agglomération ;

la réalisation d’une partie ou de la totalité des études concernant ce Contrat d’agglomération.

Le syndicat représente l’ensemble des communes membres, et il a donc vocation en tant qu’interlocuteur unique,
à conduire et conclure dans le respect de son droit, des négociations avec l’Etat, la Région Rhône-Alpes,
le Département de l’Isère et les Départements voisins ainsi que les établissements publics, dans et hors périmètre.

744.

Nous pouvons citer à titre d’exemple les actions relatives à la création d’une antenne CREPS Rhône-Alpes, d’un hôtel de Police sur Bourgoin-Jallieu ou encore à l’implantation d’une maison de la justice et du droit sur Villefontaine.

745.

Le contrat d’agglomération a été signé le 27 juin 2005. Son échéance est calée sur celle du Contrat de Plan
Etat-Région, soit le 31 décembre 2006.