Nous pouvons recenser deux objectifs principaux poursuivis par l’Etat et qui conditionnent fortement la négociation : l’incitation à la structuration de l’agglomération Nord-Isère autour de la ville nouvelle et de Bourgoin-Jallieu 746 ; et la prise en compte par le contrat d’agglomération des objectifs locaux de l’Etat, tels qu’ils ressortent du Projet territorial de l’Etat en Isère 747 , de la DTA de l’aire métropolitaine lyonnaise et du Contrat de Plan Etat-Région 748 . Une fois encore, l’intégration de ces deux objectifs conditionne fortement la mobilisation des crédits de l’Etat dans le cadre du contrat d’agglomération.
Nous ne reviendrons pas ici sur le premier objectif car nous l’avons largement abordé dans la partie précédente. Concernant les actions stratégiques de l’Etat pour l’agglomération Nord-Isère, elles découlent de deux grands principes de positionnement de l’Etat dans les contrats territoriaux 749 :
traduire sur la période du contrat des options stratégiques de long terme (15 ans) pour l’agglomération concernée, telles qu’elles sont exprimées dans le projet d’agglomération d’un côté et dans les objectifs de l’Etat pour l’agglomération de l’autre ;
contribuer à l’intégration locale des logiques de développement économique et de solidarité ainsi que la prise en compte du « développement durable ».
Il faut ajouter ici la contrainte liée à l’articulation avec le Contrat de Plan Etat-Région, qui constitue – rappelons le – le cadre matériel et temporel des engagements que l’Etat et la Région peuvent inscrire dans le contrat d’agglomération. Cette articulation a des conséquences non négligeables sur le contenu même du contrat. Dans la mesure où le volume des engagements financiers de l’Etat et de la Région sont arrêtés dans le Contrat de Plan, la principale variable financière du contrat d’agglomération sera constituée par les contributions des tiers – SATIN, département, communes – qui apportent des moyens supplémentaires. Par voie de conséquence, l’articulation avec le Contrat de Plan Etat-Région oriente de fait le choix des élus locaux : ces derniers inscriront prioritairement dans le contrat d’agglomération les actions qui ont été préalablement définies dans le contrat de plan 750 , et ce même si elles sont (ou peuvent être) portées par d’autres dispositifs, programmes ou conventions 751 . Il s’agit aussi pour eux d’éviter que certains projets inscrits dans le Contrat de Plan Etat-Région ne soient pas engagés au motif qu’ils ne feraient pas partie de leurs propres interventions prioritaires, car non inclus dans le contrat d’agglomération 752 .
C’est la raison pour laquelle le Contrat d’agglomération Nord-Isère englobe deux catégories d’action : celles « susceptibles de bénéficier de financements communs de l’Etat et des collectivités territoriales » 753 ; et celles « susceptibles d’être financées par les collectivités territoriales » 754 . A ce stade de l’analyse, nous pouvons douter de la portée réelle de certaines de ces actions, et en particulier celles ayant un caractère flou 755 et dont les financements demeurent hypothétiques 756 et la maîtrise d’ouvrage non déterminée 757 .
Ces dispositions ont certes un intérêt sur le terrain de la définition des politiques publiques en exprimant les volontés communes des signataires. Mais elles ne pourront produire des effets qu’en étant reprises dans d’autres actes, contrats, ou délibérations. Par ailleurs, bien que les actions inscrites dans le contrat d’agglomération sous le libellé « actions susceptibles d’être financées par les collectivités territoriales » traduisent une manifestation claire de la volonté des collectivités territoriales, elles ne pourront pas donner lieu à des engagements futurs dans le cadre des financements du contrat d’agglomération dans la mesure où elles ne concernent qu’une partie des cocontractants. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’aucune indication sur les futures maîtrises d’ouvrage ne figure en regard de ces actions.
Enfin, il faut signaler que le contrat d’agglomération Nord-Isère intègre, conformément à l’article 23 de la loi Voynet, un volet foncier. Contrairement à ce que nous aurions pu imaginer, aucune mesure ne porte sur les modalités de transfert des réserves foncières de l’Etat aux collectivités locales après la fin de l’opération d’intérêt national de la ville nouvelle. La création éventuelle d’un établissement public foncier (qu’il soit ou non local) ou la gestion des réserves foncières par un autre EPF 758 ne font pas partie des actions envisagées. Seules l’étude d’un « plan d’action foncière » à l’échelle du SATIN et la mise en œuvre de « quelques actions significatives » - sans qu’elles soient par ailleurs définies - figurent dans le contrat. Il est bien évident que le caractère imprécis de ces deux mesures et surtout l’absence de maîtrise d’ouvrage ne peuvent guère faciliter leur mise en œuvre.
Sur ce point, l’Etat ne s’engagera que si les collectivités locales sont instituées en Communauté d’agglomération. En l’absence de volonté politique partagée, il est hautement probable – et cela paraît logique – que l’Etat ne transférera pas son patrimoine foncier aux collectivités locales 759 , et en particulier les terrains qui font partie de ses enjeux stratégiques (i.e. les terrains qui ont vocation à accueillir l’urbanisation future). L’utilisation du patrimoine foncier comme instrument de structuration institutionnelle est donc aussi manifeste pour faire prendre en compte les objectifs de l’Etat au niveau local, notamment ceux ayant trait à l’accueil de logements nouveaux 760 .
Voir à cet égard, le Compte rendu rédigé par la Sous-Préfecture de La Tour-du-Pin intitulé Conclusions de
la réunion du 3 octobre 2002 relative à l’évolution du Nord-Isère, p. 2. « […] une première esquisse d’un contrat d’agglomération sera conduire pour le premier trimestre 2003, permettant d’identifier les projets stratégiques prioritaires qui contribueront à structurer l’agglomération et à définir des projets partagés par les communes
qui souhaiteront s’engager dans ce processus ». La possibilité de signer un contrat d’agglomération apparaît surtout comme l’un des accompagnements procéduraux des objectifs de la loi Chevènement. Cela est clairement rappelé par la circulaire du 8 juin 2000 relative au suivi des politiques territoriales de l’Etat en ces termes :
« l’objectif recherché est la structuration des territoires autour de projets locaux de développement et de cohésion sociale grâce à la constitution d’intercommunalités intégrées aptes à porter et à gérer ces projets ».
Préfecture de l’Isère, Projet territorial de l’Etat en Isère, juin 2003.
Nous rappelons ici que le contrat d’agglomération est un contrat d’application du Contrat de Plan Etat-Région.
Voir notamment la circulaire du 26 décembre 2000 relative aux priorités et modalités de contractualisation pour les contrats territoriaux dans les domaines relevant du ministère de l’Equipement.
Nous ferons remarquer ici que les actions prévues dans le Contrat d’agglomération Nord-Isère ne mobilisent pratiquement pas de crédits hors Contrat de Plan.
Comme par exemple le Contrat de ville, le Contrat global de développement de la Région Rhône-Alpes ou encore les actions pouvant être portées par l’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine) ou par la DATAR sur des crédits FNADT.
L’article 4 du décret du 21 décembre 2000 dispose notamment que « le contrat d’agglomération doit être pris en application du contrat de Plan Etat-Région ».
Contrat d’agglomération Nord-Isère, 27 juin 2005, p. 7. Les actions concernées sont : les pôles d’excellence « Logistique » et « Matériaux » ; les formations post-baccalauréat ; le Médipôle Nord-Isère ; le développement d’une antenne du CREPS Rhône-Alpes ; l’hôtel de police de Bourgoin-Jallieu ; l’implantation de la maison de la justice et du droit dans la maison Tavernier à Villefontaine ; l’accueil des gens du voyage ; la politique de la ville (l’hébergement d’urgence) ; la route nationale 6 (1ère phase correspondant aux crédits inscrits dans le Contrat de Plan Etat-Région) ; la protection et l’aménagement de la vallée de la Bourbre ; l’action foncière ; le développement durable (mise en œuvre d’un agenda 21).
Contrat d’agglomération Nord-Isère, 27 juin 2005, p. 8. Les actions concernées sont : les équipements d’accompagnement du Médipôle Nord-Isère ; le développement des formations ; le pôle culturel ; la route
nationale 6 (l’engagement des études relatives à la 2ème phase) ; les études de transport TER et des quatre gares SNCF ; l’étude des déplacements métropolitains ; l’extension du réseau câblé et la communication.
Action « développement durable : démarche de préparation d’un agenda 21 local ». Contrat d’agglomération Nord-Isère, 27 juin 2005, pp. 67-68.
Actions « pôle d’excellence logistique », pp. 37-38 ; « pôle d’excellence matériaux », pp. 39-40 ; « formation post-baccalauréat », pp. 43-44 ; « Protection et aménagement de la vallée de la Bourbre », pp. 63-64.
« Action foncière », pp. 65-66 ; « Le développement des formations », pp. 73-74 ; « Le pôle culturel », p. 75 ; « La route nationale 6 – l’engagement des études relatives à la deuxième phase », pp. 79-80 ;
« la communication », p. 87.
Comme l’Etablissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes (EPORA) ou l’EPF local de la région grenobloise.
Les modalités de transfert du patrimoine foncier de l’Etat aux collectivités locales sont notamment négociées dans le cadre de la Convention de sortie de l’OIN de la ville nouvelle. La convention de sortie précise à la fois les conditions de cessions aux collectivités territoriales du patrimoine de l’Etat et les principes de transfert des ZAC achevées ou non. Il faut signaler ici que les collectivités intéressées par le rachat de certains terrains sur leur territoire bénéficient d’un droit de préférence.
L’ouverture à l’urbanisation des « Plateaux Sud » sur la commune de Vaulx-Milieu est un élément stratégique dans les négociations. L’Etat est en effet propriétaire de 88 hectares de terrains dont la valeur avant aménagement est estimée entre deux et trois millions d’euros.