1.3.1 Une conception précise de l’interdiscipline

Le lien social est ce qui assure l’appartenance du sujet à la communauté, ce qui relie les sujets entre eux, constituant une communauté qui les transcende et référant de ce fait à la médiation entre l’individuel et le collectif. C’est en ce sens que, de même que l’analyse du langage individuel met en lumière le rapport entre le « je » et le monde, l’analyse de discours nous informe du rapport entre « nous » et « eux ». Le problème d’une telle démarche est que l’analyste est lui-même impliqué dans la définition qu’il donne : nous allons devoir choisir si nous sommes « nous » ou « eux ». Prétendre nier cette évidence nous semble, au mieux, être une démarche stérile. La technique à l’usage consiste donc à établir le plus grand nombre de filtres méthodologiques possibles afin de constituer une distance physique mais aussi psychologiqueavec l’objet d’étude. C’est dans cette direction que nous comprenons l’essor du terme « interdiscipline » de nos jours : en analysant l’objet d’étude sous de multiples facettes, on peut relativiser l’engagement initial et « monocentré » sur l’un de ces aspects et ainsi s’en détacher.

‘« Mais une interdisciplinarité n’est pas la simple accumulation de plusieurs disciplines, ni de leurs concepts, ni de leurs résultats. Ce n’est pas en ramenant des résultats divers à propos d’un même objet (est-ce d’ailleurs le même objet ?), ni en citant ici ou là tel ou tel concept de telle ou telle théorie, que l’on satisfait à cette ambition. Pour qu’il y ait interdisciplinarité, il faut qu’il y ait un centre géométrique, un lieu d’où sont interrogés d’autres concepts et résultats d’autres disciplines, mais on pourrait imaginer la même posture de la part de la sociologie, de la psychologie sociale et d’autres disciplines, chacune devenant le lieu géométrique de cette interrogation. C’est ce que nous appelons une interdisciplinarité focalisée » 83 .’

C’est donc cette forme d’interdisciplinarité focalisée que nous allons essayer de mettre en place dans l’analyse discursive de l’Espace Public européen. Elle donnera lieu à une méthode d’analyse sémio-discursive : sémiotique, parce qu’elle sera attentive aux différentes formes signifiantes qui peuplent le corpus, discursive parce que ces formes signifiantes seront rattachées à la manière dontle langage est appréhendé dans les discours.

Nous pouvons donc décrire cette méthode commeune méthode qui s’intéresse à la manière dont le langage est appréhendé dans un corpus constitué de plusieurs signifiants articulés entre eux par des réseaux formels.

Notes
83.

CHARAUDEAU, P : 2006 op.cit (p.27)