1.4.2 Une période historique 

Les élections européennes de Juin 2004 constituent une délimitation dans le temps instituant notre période d’analyse et délimitant ainsi l’existence d’une narration diégétique des événements analysés. La distinction entre le corpus comme objet représentant une narration et l’événement narratif lui-même, fait appel à la distinction entre texte et discours. Sans entrer dans la discussion de ces concepts problématiques, nous préciserons que le texte est, dans notre travail, ce qui réfère à l’ensemble de documents contenus dans le corpus (journaux et affiches électorales), tandis que le discours renvoie aux processus d’énonciation qui ont donné lieu à ces textes et dont les énoncés constituent notre objet d’analyse. Le corpus peut être perçu, grâce à la délimitation temporelle que nous proposons, de manière homogène comme une forme de narration événementielle constitutive d’une diégèse, mais cela ne devrait pas en revanche donner lieu à une interprétation détaché de la réalité des positions d’énonciation. Dans un ouvrage récent sur l’histoire du concept de « discours », Jacques Gillhaumou fait la réflexion suivante :

‘« La question qui se pose actuellement à l’historien du discours n’est pas de trouver la rationalité de cet ensemble, mais d’y introduire une certaine dose de réalisme, sur la base des réflexions récentes de Searle sur la construction de la réalité sociale (1995) et de l’apport stimulant d’Eco sur l’ontologie. Une fois admis la nécessité de maintenir la distinction entre la réalité et le discours contre toute dérive narrativiste post-moderne, il nous faut considérer les référents du discours dans leur réalité même ». 85

La délimitation temporelle d’un corpus de textes pourrait en effet nous pousser à la confusion entre ce corpus et la réalité qu’il représente. Comme nous semble le suggérer Jacques Guillhaumou, la prise en compte de la réalité du discours n’implique pas forcément la mise en place d’une démarche sociologique cherchant à ancrer le discours dans un contexte réel. Elle suppose en revanche la prise en compte du sujet de langage qui, dans la théorie de Searle à laquelle renvoie Guillhaumou, est le porteur de la réalité institutionnelle.

Ainsi, lorsque nous observons les élections européennes de 2004 en France et en Espagne, nous observons par la même occasion un contexte historique très large : l’élargissement de l’Union Européenne à 25 membres (le 1er mai 2004), l’achèvement du traité instituant une constitution pour l’Europe, des élections régionales en France où le parti d’opposition (PS) a obtenu la présidence de presque toutes les régions, des élections générales en Espagne marqués par des attentats terroristes et une alternance politique, le déclenchement de la guerre menée en Irak par les Etats-Unis et leurs alliés, le retrait des troupes espagnoles, d’abord engagées sous la présidence de M. Aznar, ensuite reparties avec la victoire de M. Zapatero...

L’isolement d’une forme diégétique que nous pouvons nommer « les élections européennes en France et en Espagne » agit dès lors comme une délimitation cotextuelle de la période historique analysée. Elle nous permettra également de délimiter le contexte lexical dans lequel s’insèrent les événements historiques contemporains à la campagne électorale. 86

Notes
85.

GUILHAUMOU, J : Discours et événement. L’histoire langagière des concepts, Presses Universitaires de Franche-Comté, Besançon 2006, (p.42).

86.

Pour des travaux fondés essentiellement sur la notion de contexte lexical, nous renvoyons à T. Van Dijk, particulièrement l’ouvrage déjà cité VAN DIJK, T.A: Racismo y análisis crítico de los medios, Paidos, Barcelona 1997, 318 P. où il développe avec des exemples précis la démarche d’analyse critique de discours.