1.4.6.1. Le langage journalistique : véracité

Dans les journaux quotidiens, le lieu de construction du texte est celui qui constitue l’unité sémiotique du journal : la pagination, le format, le rubriquage, mais aussi le style : narratif, informatif ou autre. Ce lieu de construction du texte possède la caractéristique d’instituer un temps présent propre à chaque numéro et de s’insérer dans une chaîne temporelle propre à l’institution médiatique. En outre, la distribution spatiale et la succession de contenus font que ce temps propre à l’institution est rattaché à un espace symbolique qui se réfère au monde réel. Ainsi, la transformation des occasions de communiquer en événements médiatiques est instituée comme une représentation d’un temps et d’un espace précis : c’est ce que l’on peut appeler « un monde » dans la tradition phénoménologique.

En suivant le principe de pertinence propre au lieu de production selon lequel une information est choisie comme telle par son adéquation avec un certain nombre de critères qui relient le journaliste et son lecteur et afin que le présent du journal puisse effectivement être perçu comme une représentation du « monde », il est nécessaire que le lieu de construction du texte respecte le principe de véracité : les éléments constitutifs du dispositif journalistique dans leur ensembles’articulent entre eux selon une logique de vérité. C’est parce que la vérité est une construction propre au journal que chaque titre peut avoir plus ou moins d’autorité et qu’il devient une réalité autonome. C’est ainsi parce qu’ils assurent la possibilité d’un accord autour de l’existence d’un monde commun que les journaux, et les médias en général, constituent une partie centrale de la rationalité communicative habermassienne.

Or, le principe de véracité fait référence, dans la théorie d’Habermas au monde subjectif de celui qui énonce par opposition à la vérité qui réfère au monde objectif 105 . On dira donc que la relation que le journal permet d’établir avec le monde (la relation, médiatisée par le journal comme dispositif, entre le lecteur et le monde énoncé) est de type subjectif et non objectif. Ce n’est qu’à partir de ce postulat que l’analyse du rôle social des institutions médiatiques devient possible et intéressant pour l’étude de l’espace public : celui-ci devenant l’espace où les individus se confrontent aux différentes formes de véracité qui représentent le monde. Le lieu de communication incarné par le journal où se construit un rapport subjectif au monde ne doit donc plus être confondu avec les espaces de reconnaissance mutuelle constitutifs des espaces publics.

Notes
105.

HABERMAS, J: 1987op.cit (p.116).