1.4.6.3. Le langage politique : vérité

Les affiches politiques, en tant que lieux de construction d’un texte, comportentdes caractéristiques d’un langage politique commed’un langage publicitaire, d’où la confusion que l’on peut faire concernant la colonisation de l’un par l’autre que l’on a signalé plus haut. Cependant, le lieu de construction du texte propre au langage politique se distingue des autres en ce qu’il met en rapport les acteurs institutionnels avec les fonctions qu’ils veulent assumer : il réactualise ainsi sans cesse l’architecture institutionnelle. Mais du coup, il ne peut pas être compris sans une connaissance minimale de cette architecture.

Le lieu de construction du texte est alors, dans le cas du langage politique, l’expression d’un espace imaginaire. Ce qui fait du langage politique un moteur de l’histoire c’est la projection dans un temps imaginaire qui est le futur dans lequel il nous plonge. Tandis que le langage publicitaire met en scène un temps présent propre à l’action (le plus souvent celle de consommer), le lieu de la construction du texte politique est toujours tourné vers un temps futur, qui ne peut être qu’imaginaire, ce qui est le propre de l’utopie. L’affiche électorale se confronte dès lors à une double contrainte : elle doit rendre compte d’un imaginaire politique mais elle doit aussi mettre en scène un temps présent propre à l’action (celle d’aller voter). Mais cette abolition de la distance entre l’avenir (imaginaire) et le présent du vote (l’action) n’est proprement politique que si elle repose sur l’expression d’arguments vrais entraînant la responsabilité de celui qui les énonce au-delà du moment de l’énonciation.

Si cela n’est pas possible, le langage politique se trouve dans une situation d’hégémonie sans projection imaginaire ; c’est le cas des régimes totalitaires, où la mise en scène du langage politique se fait le plus souvent dans le temps présent de l’action (que ce soit le temps de la révolution ou de la restauration). À ce moment, d’une part la production du langage politique s’estompe parce que la réflexivité est mise en cause et d’autre part le lieu de construction du texte propre au langage politique est enfermé dans le présent événementiel. Claude Lefort parle ainsi du totalitarisme :

‘« C’est d’une mutation politique, d’une mutation d’ordre symbolique, dont témoigne au mieux le changement de statut du pouvoir, que surgit le totalitarisme moderne. Dans les faits, un parti s’élève, se présentant comme d’une autre nature que les partis traditionnels, comme porteur des aspirations du peuple entier et détenteur d’une légitimité qui le met au-dessus des lois ; il s’empare du pouvoir en détruisant toutes les oppositions ; le nouveau pouvoir n’a de comptes à rendre à personne, il se soustrait à tout contrôle légal » 106

Seule la discussion permet la mise en place d’un contrôle sur le pouvoir et celle-ci est incarnée, dans les lieux de construction du texte, par des êtres de parole porteurs d’arguments qui s’appuient sur le principe de vérité.

Notes
106.

LEFORT, C : Essais sur le politique, Seuil 1986 (p.22).