Situation et mise en scène de l’énonciation

Les affiches électorales s’inscrivent dans une situation spécifique de communication qui est celle de la campagne électorale. Comme dans toute situation de communication les sujets du langage se distribuent dans deux lieux : le lieu du faire désigné par la mise en place du contrat de communication et le lieu du dire caractérisé par la mise en scène discursive de ce contrat de communication (c.f I.1.4.9). Les sujets du faire sont les partenaires de la communication et nous pouvons les désigner, suivant le schéma communicationnel de Patrick Charaudeau par la dénomination (JEc et TUi). Les sujets du dire, les êtres de parole, sont définis par leur rôle narratif comme des JE énonciateurs (JEé) ou des TU destinataires (Tud). Cela se présente schématiquement de la manière suivante 196  :

La description que nous avons faite des affiches à partir de la place attribuée au spectateur, destinataire de l’énonciation, nous permet de reprendre cette même grille d’analyse afin de délimiter le rôle des sujets du langage dans leur rapport aux affiches électorales.

Trois affiches (IU, Verts et UDF) font état d’un rapport situationnel entre un JEc (le parti pour les deux premiers, François Bayrou pour l’autre) et un Tui (le spectateur qui est invité à assumer le contrat de communication proposé dans l’affiche).

Quatre affiches (PSOE, PS, PP, UMP) font état d’une mise en scène discursive de l’énonciation dont le contrat de communication ne concerne pas la situation spécifique de communication (la présence du spectateur devant l’affiche) mais le choix ultérieur d’aller voter de la part du TUi.

Nous pouvons résumer ceci de la manière suivante :

La description de la présence des sujets de langage dans les affiches analysées nous permet ainsi de distinguer deux groupes d’affiches : ceux dont les sujets de langage (le parti politique et le spectateur) sont mis en scène (PSOE, PS, PP et UMP) de manière discursive et ceux dont ces sujets de langage participent à la mise en scène discursive de l’affiche (IU, Verts et UDF). Il est intéressant de remarquer le partage qui s’opère entre les quatre formations ayant accès au pouvoir et les trois autres.

De même que l’étude de l’énoncé nom-de-journal nous a permis de définir la place attribuée au lecteur dans la relation intentionnelle entre le journal et le monde à partir du lieu sémiotique où cette relation se produit, l’étude des affiches électorales nous montre deux types de rapport à l’affiche. Le premier est un rapport proprement de communication, dans lequel elle propose au spectateur un contrat de communication dont on verra dans le chapitre suivant les caractéristiques discursives. Le second rapport est exprimé par la mise en scène d’un pouvoir où l’affiche ne propose pas de contrat de communication mais rappelle au contraire l’existence d’un contrat (politique ? identitaire ? communicationnel ?) qu’il faut honorer par le vote.

L’analyse discursive du corpus nous permettra de ce fait de répondre à ces questions ouvertes. Afin de conclure sur la question de l’énonciation, ce que nous avons appelé « la mise en place d’un ‘je’ énonciateur », nous pouvons attirer l’attention sur une hypothèse découlant de cette analyse : la forme d’énonciation liée au contrat de communication correspond aux partis n’ayant pas accès au pouvoir tandis que celle qui est liée à la mise en scène discursive d’un contrat déjà existant relèverait, au contraire, des partis de pouvoir. Hypothèse que nous ne pouvons pas vérifier avec ce corpus mais qui pourrait être étudiée ultérieurement.

Cette première partie de l’analyse nous a donc permis de définir les caractéristiques énonciatives de la situation de communication analysée dans ce travail, aussi bien pour les journaux que pour les affiches politiques. Ces caractéristiques ont été abordées différemment afin de respecter les particularités propres à ces deux médias. Nous allons maintenant traiter des caractéristiques qui permettent à ces instances d’énonciation de s’inscrire dans une réalité discursive en tant qu’instances de communication.

Notes
196.

CHARAUDEAU, P: Une théorie des sujets du langage in Langage et société nº28, Paris 1984.