3.1. Détermination des rapports intentionnels

Les énoncés du type « nous faisons ceci au moyen de cela » désignent les lieux du dire où se déploie le sens dans le processus sémiotique de médiation entre une instance communicante et un monde signifié. Nous avons également appelé « occasion de communiquer » l’élément réel qui situe cette médiation. Cette notion nous permettait d’élargir le réel de la communication au-delà de l’information comprise comme une forme de savoir. La distance intentionnelle entre l’instance communicante, le monde à signifier et le monde signifié est dès lors un élément signifiant qui se réfère à la distance intentionnelle comprise dans la médiation entre une instance de communication, le monde signifié et le monde à signifier. Comme toute médiation, elle est possible par l’usage d’un langage ; nous avons décrit plus haut (c.f I.1.4) les caractéristiques communicationnelles du langage journalistique, du langage publicitaire et du langage politique. Nous faisons ainsi l’hypothèse que le type de relation entre le sujet de l’énonciation et l’actant de l’énoncé est analysable dans notre corpus à partir de ces caractéristiques communicationnelles. Par exemple, la réalité « campagne électorale » est une « occasion de communiquer » qui devient un événement dans un journal du fait de sa pertinence informationnelle 277 . Une déclaration d’un homme politique est également une « occasion de communiquer », mais elle l’est parce qu’elle fait déjà partie de l’événement campagne électorale, ce qui nous permet de la considérer comme une « occasion de communiquer » qui fait appel à un deuxième type de médiation (celle qui se produit entre le lieu de construction du texte et le monde à signifié) dont la caractéristique communicationnelle est le principe de véracité. Une campagne électorale est également une occasion de communiquer pour un parti politique. La relation entre cette « occasion de communiquer » et l’instance communicante (parti politique) n’est en revanche pas de l’ordre de la pertinence, mais de l’ordre de la réflexivité : elle est l’occasion pour un parti politique de mettre son projet à l’épreuve du public au moyen d’un langage politique. Notre corpus étant composé d’affiches politiques, nous devons tenir compte du type de médiation caractéristique du langage publicitaire tel que nous l’avons décrit plus haut. Ainsi, dans l’affiche politique, l’occasion de communiquer n’est pas la campagne électorale, mais le projet de pouvoir d’un parti ou d’un candidat. La médiation entre la réalité et l’instance de communication dans le lieu de la production du texte passe dès lors, dans une affiche, par le principe d’efficacité au lieu du principe de pertinence que nous avons attribué aux médias d’information. De même, la médiation entre la réalité et le lieu de construction du texte ne répond pas au principe de véracité mais à celui de justesse (cf. 1.4.6.2). Cette médiation entre le réel (l’occasion de communiquer) et le symbolique (la représentation qui en est faite) peut-être définie, et c’est notre hypothèse de travail pour les analyses qui suivent, comme une forme signifiante de deux types de rapports au monde présents dans la rationalité communicationnelle : la relation entre un  sujet de l’énonciation  et le « monde subjectif » qu’il énonce, c’est le cas des journaux d’information. La relation entre un sujet de l’énonciation et le « monde social » qu’il énonce, c’est le cas des affiches politiques (le monde social étant compris comme l’espace d’action régulé par des normes dans lequel évoluent les acteurs politiques). La relation enfin entre un sujet de l’énonciation et « le monde objectif » ne sera abordable que dans la troisième partie de la thèse où la prise en compte des interprétations mises en œuvre par les instances de communication analysées ici permet d’intégrer le rôle du « Public » dans le processus de communication.

Notes
277.

Dans la médiation entre le lieu de la production et la réalité, le principe de pertinence indique qu’une occasion de communiquer concernant l’ensemble des lecteurs du journal doit devenir une information.