Conclusion : le dispositif « campagne électorale » 

L’objet de cette deuxième partie de l’analyse est de définir les caractéristiques discursives du dispositif électoral constitué par les affiches et les journaux analysés. Il s’agit donc d’observer comment les processus de référence propre aux journaux d’information s’articulent avec les caractéristiques identitaires des affiches électorales.

Les affiches électorales ont été distribuées, à partir de leur ethos discursif, selon trois types de rapports intentionnels au monde. Ces rapports intentionnels sont issus, nous le rappelons, de l’attribution dans chacune des affiches, d’une place spécifique à l’Europe en tant que sujet du langage 310  : un rapport « uchronique » dans lequel l’Europe est représentée comme un non-lieu ou bien non représentée comme un lieu, un rapport idéologique où l’Europe est un objet de la discussion politique et un rapport de diagnostic où l’Europe est un objet pour la décision. Cela nous a permis d’élaborer six propositions intentionnelles :

« Nous (les Verts) existons au moyen de l’Europe » pour Les Verts.

«Nous (« je » parti et « tu » spectateur) faisons notre discours au moyen des élections européennes » pour IU

« Nous (qui énonçons) faisons l’Europe sociale au moyen des élections européennes » pour le PS.

« Nous (moi qui énonce plus toi qui regardes) structurons l’Europe au moyen des élections européennes » pour le PSOE.

« Nous (moi qui énonce et toi qui votes pour moi) serons forts en Europe au moyen des élections européennes » pour le PP

« Nous (les Français) faisons la France au moyen des élections européennes » pour l’UMP.

« Nous (moi qui énonce, le candidat et toi) faisons un diagnostic au moyen des élections européennes » pour l’UDF.

La différence observée dans l’analyse intentionnelle des titres de presse entre la modalité du « faire », celle du « faire être » et celle de « l’être » peut ainsi être articulée avec les affiches politiques comme le montre la figure suivante :

Il est ainsi possible de formuler une hypothèse pour l’analyse de contenu des journaux que nous développerons dans la partie suivante, selon laquelle chacune de ces modalités intentionnelles aura tendance à représenter un type différent d’agir communicationnel. Nous faisons donc l’hypothèse de la représentation suivante de la rationalité communicationnelle, en accord avec les types d’agir que nous avons décrit comme étant représentés dans chacune des affiches analysées (c.f. II.3.1.1)

Faire : Faire être Être 

Agir dramaturgique Agir axiologique agir dramaturgique

Agir affectuel agir affectuel

Cela nous permet d’affirmer déjà que, d’une part l’Espace public européen représenté dans ce corpus gomme les formes d’agir « par habitus » et « téléologique » et d’autre part, étant donné que ces deux formes d’agir renvoient aux territoires du politique, la campagne aux élections européennes ne donne pas de visibilité aux territoires politiques de l’UE, elle se focalise sur la représentation des arènes du politique 311 .

Notes
310.

Le sujet du langage doit être compris à partir des trois actants de la communication : le locuteur, l’interlocuteur et le tiers objet (humain ou non) sur lequel porte le discours.

311.

Nous y reviendrons dans l’analyse du contenu discursif des journaux d’information, à partir de la distinction proposée par Jacques Gerstlé (GERSTLÉ, J : L’impact des médias sur la campagne référendaire française de 2005. Comparaison avec les élections européennes de 2004 in Études et recherches nº 53, en ligne sur le site Notre Europe : www.notre-europe.eu ) entre les « jeux » et les « enjeux » des échéances électorales européennes.