Conclusion

Peu de temps après le non au référendum sur le traité de constitution pour l’Europe en France et aux Pays Bas, Jürgen Habermas écrivait :

‘« La situation regrettable dans laquelle se trouve l’Union semble accréditer la thèse d’un « no demos », c’est-à-dire, l’idée que l’Europe ne peut pas se doter d’une Constitution parce qu’elle n’a pas de « sujet constituant ». Cet argument repose sur l’hypothèse suivante : le modèle nécessaire de toute communauté politique est la nation, unifiée grâce à une langue, une histoire et des traditions communes. Ce n’est qu’en référence à des idéaux et à des valeurs partagés que les membres d’une communauté sont capables de se reconnaître des droits et des devoirs réciproques et peuvent escompter que ces normes soient équitablement respectées par tous (…) Certes, on ne peut que répondre négativement à la question de savoir s’il existe aujourd’hui un semblant d’identité européenne. Mais c’est en fait mal formuler la question. Il s’agit d’abord de savoir quelles conditions il faut remplir pour que les citoyens puissent accroître la solidarité civique par delà les frontières des États en poursuivant un but d’inclusion mutuelle » 494 . ’

C’est en effet à cette question des « conditions qu’il faut remplir pour que les citoyens puissent accroître la solidarité civique» que nous nous sommes intéressé dans cette thèse, en choisissant de l’aborder à partir d’une proposition normative concernant la liberté républicaine. Mais notre but n’était pas de proposer un programme politique pour l’Europe, il ne s’agissait pas non plus de défendre la mise en place d’une république européenne 495 , ni d’aborder les contradictions philosophiques de « l’homme européen » 496 au tournant du siècle. Notre objectif était à la fois plus modeste et plus ambitieux. Il était modeste dans sa démarche politique en ce qu’il ne cherchait pas à résoudre les contradictions idéologiques et identitaires de la construction européenne. Il était en revanche ambitieux dans son approche théorique en ce qu’il cherchait à mettre en place un cadre d’analyse pour l’étude critique de ces contradictions. C’est en ce sens que nous avons proposé en introduction de cette thèse de construire un idéal-type d’Espace Public européen.

La construction de cet idéal-type nous a confronté à un objet problématique que nous pouvons appeler, dans un premier temps, le réel de la communication : selon notre postulat de départ, l’existence de l’UE atteste de la présence d’un Espace Public européen. Afin de rendre ce postulat opérationnel nous avons délimité deux objets d’analyse : les signes de l’Espace Public européen et les signes d’un discours sur l’Europe. L’Espace Public européen est ainsi composé de représentations discursives (les signes qui renvoient aux multiples identités qui composent l’Europe) et de formes d’énonciation (les signes qui indiquent l’existence de formes européennes de discursivité). Le réel de la communication désigne alors ce lieu de croisement entre l’énonciation et la représentation que nous avons proposé d’aborder à partir de la définition de la communication politique proposée par André Gosselin 497 . Nous souhaitons, au moment de conclure ce travail, revenir sur les formes d’énonciation et les représentations qui ont été observées au cours de notre thèse. Nous proposons ici une synthèse articulée autour des trois parties de notre travail (Présence, Discours et Opinion). Nous reviendrons ensuite sur la notion de communication politique.

Notes
494.

HABERMAS, J : Sur l’Europe, Bayard, Paris 2006 (p.33).

495.

COLLIGNON, S : Vive la république européenne, Éditions de la Martinière, Paris 2004.

496.

SEMPRÚN, J et de VILLEPIN, D : L’homme européen, Plon, Paris 2005.

497.

Voir (I. 1.1.1.) Pour rappel, la communication politique peut être schématisée selon l’auteur par la figure suivante : Territoires du politique

Action Réception

Arènes du politique