d) Pour une recherche en communication politique 

La construction d’un idéal-type d’Espace Public européen cherche, nous l’avons déjà énoncé en introduction de cette thèse, à proposer une approche communicationnelle du politique en accord avec un idéal démocratique fondé sur le principe de la responsabilité individuelle. La responsabilité comme idéal politique est un thème des Lumières qui s’accorde avec le projet kantien d’émancipation. Mais dans la pensée de Kant, et des courants philosophiques qui s’en réclament, jusqu’à la nouvelle théorie critique d’Habermas, la question politique centrale est devenue celle de l’universel. Malmenée par les différentes tentatives, souvent appelées post-modernes, de réduire cette notion à l’idée d’une valeur éthique commune à toutes les cultures de la planète, la question de l’universel et son projet politique, le cosmopolitisme, retrouvent, nous semble-t-il, son souffle dans le domaine des Sciences de l’Information et de la Communication :

‘« S’il est vrai que la capacité de communication réciproque définit l’humanité, l’universalité se révèle alors une voie encore ouverte pour penser la possibilité d’un monde de relations interculturelles, voie qui invite à prendre en charge une responsabilité nouvelle, celle de la présentation publique des croyances et des convictions. L’impératif de la reconnaissance culturelle d’autrui peut alors s’établir sur la base d’une universalité de compréhension à construire » 503 .’

C’est à cette entreprise de construction d’une universalité de compréhension que nous voulions contribuer avec cette thèse. C’est parce que la politique se caractérise par la présentation publique des croyances et des convictions, que nous avons voulu produire l’analyse d’un processus électoral. C’est enfin dans ce double rapport au monde, la présentation de soi et la compréhension des paroles de l’autre, par lequel se fonde l’identité des sujets et s’institue le lien social, que la politique apparaît comme un domaine de recherche fertile pour le champ des Sciences de l’Information et de la Communication.

Mais c’est également cela qui nous conduit à terminer ce travail par un retour critique sur l’aspect le plus problématique de la Théorie de l’Agir Communicationnel : la mise en œuvre d’une pragmatique universelle. C’est en vue de ce projet que Habermas a analysé les types de rapport à la validité entretenus par un objet de discours : la vérité, la justesse et la véracité. Nous avons tenté d’intégrer ce principe formel de validité dans une conception plus large des processus de communication. Pour nous, la communication est à la fois une pratique mettant les discours énoncés à l’épreuve du monde vécu (aspect pragmatique guidé par le principe de validité) et ce qui fonde l’identité personnelle par la reconnaissance des paroles de l’autre (aspect symbolique lié au langage). Nous pouvons dès lors terminer notre recherche en faisant appel à un des disciples de Habermas, Axel Honneth, dont les travaux proposent une critique de l’espace public articulée sur le concept de reconnaissance :

‘« L’accès à une dynamique publique d’argumentation suppose, en plus d’une maîtrise des règles de l’interaction et des compétences communicationnelles concomitantes, un rapport positif du sujet à lui-même et à autrui, sans quoi les assises élémentaires propres à assurer la pleine participation à l’espace public ne sont pas assurées » 504 . ’

Nous espérons contribuer, grâce à l’approche communicationnel du politique propre aux SIC, à l’étude des formes et des contenus discursifs qui permettent « un rapport positif du sujet à lui-même et à autrui ».

Notes
503.

CASTILLO, M: 2007 op.cit. (p. 208).

504.

VOIROL, O: « L’espace public et les luttes pour la reconnaissance. De Habermas à Honneth » in BARRIL,C ; CARREL, M ; GUERRERO, J-C et MARQUEZ, A (dir.) : Le public en action. Usages et limites de la notion d’espace public en sciences sociales, l’Harmattan, Paris 2003 (p.127). Voir aussi : HONNETH, A : Reificación. Un estudio en la teoría del reconocimiento, Katz, Buenos Aires 2007, 148 P.