« Droite et gauche c’est la même chose »

En meeting avec les Verts, José Bové renvoie la droite et le

PS dos à dos

LE MONDE | 04.06.04 | 14h46

S'exprimant pour la première fois dans une réunion électorale,

il a reproché à la majorité et aux socialistes d'éluder le

débat européen.

Montpellier de notre correspondant

José Bové fait campagne, mais il votera par procuration aux

élections européennes. Son agenda de paysan du monde l'y

contraint. Invité samedi 5 juin à Pau (Pyrénées-Atlantiques)

par Emmaüs international, attendu la semaine prochaine en

Bolivie pour aider un producteur de coca syndicaliste

incarcéré, puis au Brésil pour le congrès de l'organisation

internationale Via Campesina, il-n'a pas une minute à lui.

Entre-temps, il se mobilise au côté des Verts français.

L'ancien porte-parole de la Confédération paysanne aurait-il

finalement cédé au démon de la politique ? Venu soutenir,

jeudi soir à Montpellier, le temps d'un meeting, Gérard

Onesta, tête de liste du parti écologiste dans le Sud-Ouest,

M. Bové a affirmé le faire en "homme libre", ayant toujours

refusé de briguer lui-même toute fonction élective. Peu avant

de monter à la tribune, il avait d'ailleurs adressé un message

de soutien à Francis Wurtz, tête de liste du PCF en

Ile-de-France.

Au-delà du soutien politique, les liens sont anciens entre le

syndicaliste paysan et le candidat Onesta. Leur rencontre

remonte à 1995, en Polynésie, lors des manifestations contre

la reprise des essais nucléaires français. A l'été 2003, alors

que M. Bové était incarcéré à Villeneune-lès-Maguelone, M.

Onesta lui avait rendu visite avant d'aller, à son tour,

détruire des plants d'OGM. "C'est dire si l'on se rejoint sur

les méthodes d'analyse et d'action", a commenté ce dernier. Au

mois d'avril, c'est aussi grâce à l'opiniâtreté de l'élu Vert,

vice-président du Parlement européen, que la Confédération

paysanne a pu y tenir son congrès annuel.

"AFFLIGÉ" PAR LA CAMPAGNE

Amitié et convictions se mêlant, M. Bové, qui ne s'était

exprimé dans des conditions comparables qu'à la dernière Fête

de l'Humanité, en septembre 2003, a franchi un pas symbolique

en prenant part à un meeting électoral. "Ce n'est pas pour

autant qu'on fera allégeance à tout", a-t-il néanmoins

précisé. Séduit par le rejet exprimé par les Verts de

"l'orientation néolibérale" du projet de Constitution

européenne, leur lutte contre les OGM, leur "soutien global

aux gens d'Attac" et leur revendication d'une "souveraineté

alimentaire", l'éleveur du Larzac a déclenché rires et

applaudissements lorsqu'il s'est dit "affligé" par la campagne

de la majorité, du gouvernement et des socialistes. "Les uns

éludent l'Europe et veulent limiter les dégâts, a-t-il lancé ;

les autres veulent administrer, après les régionales, une

troisième gifle au pouvoir en place. Ils n'assument pas leurs

responsabilités sur le traité constitutionnel. On prend les

citoyens pour des imbéciles, il n'y a pas eu de débat."

Détendu, fumant sa légendaire pipe, M. Bové a justifié sa

présence à un meeting de campagne : "Si le mouvement social

est autonome du politique, ce n'est pas une raison pour ne pas

mener un combat ensemble. A ce titre, l'Europe nécessite des

engagements communs", a-t-il affirmé. M. Bové a ainsi invoqué

les menaces planant sur l'agriculture depuis la levée du

moratoire européen sur les OGM au nom de la traçabilité et de

l'étiquetage.

Qualifiant Hervé Gaymard de "sinistre de l'agriculture",

accusé d'avoir permis "huit essais d'OGM en plein champ qui

ont pour but, non pas de faire de la recherche mais de

permettre aux multinationales de les commercialiser à terme",

le syndicaliste paysan a appelé à la "désobéissance civique"

et donné rendez-vous en juillet pour "détruire ces plants

avant qu'ils n'arrivent à maturité". Les militants Verts ont

semblé l'entendre comme un appel du pied.

Philippe Palat "Midi libre" pour Le Monde

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 05.06.04