« Referendum sur Berlusconi »

Les élections européennes en Italie s'annoncent périlleuses

pour Silvio Berlusconi

LE MONDE | 31.05.04 | 13h50

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Le scrutin, qui se double d'importantes consultations locales,

est un test pour la popularité du chef de gouvernement. Forza

Italia a tenu son congrès à Milan dans une ambiance maussade.

Milan de notre envoyé spécial

"Contrat avec les Italiens : les engagements tenus." Sur le

gigantesque écran qui sert de décor au deuxième congrès

national de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, du 27

au 29 mai dans la banlieue de Milan, ces quelques mots

traduisent la posture délicate d'un parti de gouvernement à

mi-mandat. Entre promesses renouvelées et bilan inachevé. Dès

l'ouverture, rien n'a manqué de l'habituelle scénographie des

grand-messes berlusconiennes : jeux de lasers, ballet des

bannières tricolores, hymne du parti à pleins poumons,

discours fleuve - plus de deux heures - du fondateur.

"L'Italie, nous l'avons changée, et même beaucoup, s'est-il

exclamé.Ce n'est pas seulement un fait, c'est déjà de

l'histoire."

Derrière l'orateur, l'habituel fond azur immaculé était

troublé de nuages moutonnants. Une métaphore météorologique de

l'humeur maussade des 3 000 délégués rassemblés à Milan dans

la crainte de mauvais résultats aux élections européennes du

13 juin. Ce scrutin se double, en Italie, d'importantes

consultations locales concernant 80 % du corps électoral, ce

qui devrait constituer un test national significatif à deux

ans des législatives. "Comment je vois les élections ? Assez

mal", confiait un délégué de la province de Côme, résumant

l'opinion de nombreux cadres. Les sondages situent le

principal parti du gouvernement entre 22 % et 23,5 % des

intentions de vote, loin des 29,8 % atteints aux législatives

de 2001.

Quelques-uns, pourtant, tentaient de réchauffer les ardeurs :

"La peur d'une déroute existait effectivement jusqu'à la

semaine dernière, mais les derniers sondages montrent que le

vent est en train de changer depuis la visite de Berlusconi à

George Bush et le débat au Parlement sur l'Irak", a déclaré

Antonio Tajani, chef de Forza Italia au Parlement européen.

Mais derrière cet optimisme forcé, de nombreux élus locaux

témoignaient mezza voce de la "déception" de l'électorat sur

"les promesses non tenues".

Les ministres ont donc défilé pour détailler concrètement "les

nombreuses réformes déjà faites". Dans les travées circulait

un exemplaire de la lettre que Silvio Berlusconi a postée à 15

millions de familles pour retracer "l'incessante activité du

gouvernement". Quatre des cinq points du contrat qu'il avait

signé en 2001 devant les caméras de télévision auraient, selon

lui, trouvé une large réalité. Reste la baisse des impôts.

"Nous la ferons pour deux raisons, a-t-il martelé. D'une part,

parce que nous sommes de parole, d'autre part, parce c'est la

meilleure façon de relancer l'économie, la consommation et la

croissance."

RÉTICENCES DES ALLIÉS

Le chef du gouvernement aurait bien aimé lancer sa réforme

fiscale avant l'échéance électorale, mais il s'est heurté aux

réticences de certains alliés, comme Gianfranco Fini,

vice-président du conseil et dirigeant d'Alliance nationale.

"Ce serait déjà fait si j'avais eu 51 % des voix", a lancé

Silvio Berlusconi, plutôt amer.

Autant que Romano Prodi, le président de la Commission

européenne, qui parraine la liste unique de centre-gauche, les

attaques du Cavaliere ont visé ses partenaires de la majorité.

Leurs dirigeants ont boudé le congrès, à l'exception de ceux

de la Ligue du Nord. Mais ces derniers n'ont pas apprécié que

M. Berlusconi recommande aux électeurs de ne pas disperser

leurs voix sur "les petits partis".

Le patron de Forza Italia s'est porté tête de liste dans

toutes les circonscriptions, espérant rééditer l'exploit des

européennes de 1999, lorsqu'il a recueilli sur son nom plus de

3 millions de votes préférentiels. En Italie, il est en effet

possible de cocher jusqu'à quatre noms pour marquer ses

préférences au sein d'une liste. Mais les temps du plébiscite

semblent lointains. Menacé dans le sud et dans le centre du

pays, le Cavaliere se serait emporté récemment contre les

coordinateurs régionaux qui ne le mettent pas assez en avant.

Sur les affiches de certains candidats, son nom aurait même

disparu...

L'agacement de Silvio Berlusconi contre son propre parti est

monté d'un cran lorsqu'il a constaté, en arrivant dans le

palais des sports d'Assago, dans la banlieue de Milan, qu'une

partie des gradins était vide. Le manque d'enthousiasme s'est

doublé de critiques à peine voilées de la part de certains

délégués regrettant "le manque de débat à l'intérieur du

parti". La critique la plus virulente est venue d'un éditorial

d'Il Foglio, journal d'opinion contrôlé à 38 % par l'épouse du

chef de gouvernement : ""Gentile presidente", écrivait

Giuliano Ferrara, son directeur, qui fut le porte-parole du

premier gouvernement Berlusconi, nous n'avons plus confiance

en vous."

Jean-Jacques Bozonnet

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 01.06.04