« Faire un tour de chauffe »

Tony Blair veut faire des élections européennes un tour de

chauffe, avant de briguer un troisième mandat

LE MONDE | 27.05.04 | 14h22

Le premier ministre a privé les conservateurs d'un thème de

campagne en annonçant un référendum sur la Constitution

européenne. Il les accuse de préparer la sortie de la

Grande-Bretagne de l'Union.

Londres de notre correspondant

Dans deux semaines, la Grande-Bretagne va vivre son "super-

jeudi". Dès le 10 juin, les électeurs britanniques seront - en

même temps que les Néerlandais - les premiers citoyens de

l'Union européenne (UE) à désigner leurs 78 eurodéputés (au

lieu de 89 il y a cinq ans). Le même jour, une partie des

électeurs anglais et gallois choisira aussi 4 807

représentants dans 166 conseils locaux (un tiers du total). En

outre, les habitants du Grand Londres éliront les 25 membres

de l'Assemblée municipale et le maire de la ville. Les

Londoniens devront ainsi glisser trois bulletins dans l'urne.

Pour le gouvernement travailliste de Tony Blair, comme pour

les deux principaux partis d'opposition, les conservateurs de

Michael Howard et les libéraux-démocrates de Charles Kennedy,

ce "super-jeudi" aura un air de répétition générale. Ce sera

l'ultime test électoral grandeur nature avant le prochain

scrutin législatif dont on murmure avec de plus en plus

d'insistance qu'il pourrait avoir lieu le 5 mai 2005, une date

facile à retenir (05/05/05).

Le taux de participation sera la principale inconnue de ce 10

juin. Pour le scrutin européen, il est traditionnellement très

faible, et même en déclin. En 1999, 24 % seulement des

électeurs avaient voté, contre un peu plus de 36 %, lors des

deux consultations précédentes en 1989 et 1994. L'Assemblée de

Strasbourg suscite chez la majorité des Britanniques, au mieux

l'indifférence, et le plus souvent l'hostilité.

APATHIE DU PUBLIC

Ni le scrutin de liste à la proportionnelle ni le découpage du

royaume en douze immenses circonscriptions n'aident à secouer

l'apathie du public, ou à rapprocher l'électeur de l'élu. Dans

la plus vaste d'entre elles, dans le sud-est de l'Angleterre,

6 millions d'électeurs désigneront 10 eurodéputés. Les

proeuropéens espèrent que la coïncidence des scrutins

favorisera la participation.

En 1999, la campagne des tories (conservateurs), conduite par

leur ancien chef William Hague, sur le thème "Gardons la

livre" (sterling), leur avait assuré une assez nette victoire,

avec 36 sièges, contre 29 au Labour et 11 aux

libéraux-démocrates. Leur ambition est de conserver cet

acquis, ce qui suppose de porter leur score de 36 % à 40 % des

votes pour compenser la baisse des sièges alloués au royaume

du fait de l'élargissement de l'Union.

Cela ne sera pas facile car Tony Blair a privé les

conservateurs de leur principal cheval de bataille européen en

annonçant, le 20 avril, la tenue, probablement à l'automne

2005, d'un référendum pour ratifier la future Constitution de

l'UE. "Donnez-nous un référendum !", était un mot d'ordre plus

mobilisateur que le nouveau slogan des tories : "Le Labour

laisse tomber la Grande-Bretagne." Quel que soit le résultat

du scrutin, il faudra se garder de toute extrapolation hâtive,

car la victoire conservatrice aux européennes de 1999 n'a pas

empêché Tony Blair de remporter, deux ans plus tard, un franc

succès aux législatives. En fait, le véritable affrontement

sur l'Europe n'aura lieu que lors du référendum sur la

Constitution, s'il est organisé un jour.

"LIGNES ROUGES"

En présentant le programme européen de son parti - un document

de 24 pages -, Tony Blair s'est, comme à l'ordinaire, drapé

dans la défense des intérêts nationaux britanniques : "Le

choix n'est pas entre être probritannique ou proeuropéen. Nous

croyons que l'intérêt national est mieux servi si nous sommes

au centre du processus de décision en Europe."A l'inverse,

a-t-il dit, les conservateurs veulent "déplacer" le royaume

"aux marges" du continent, ce qui le laisserait "isolé et

affaibli". Ils sont aujourd'hui, s'agissant de l'Europe, "plus

extrêmes que jamais". M. Blair s'est engagé à maintenir, dans

la négociation finale sur la Constitution, les "lignes rouges"

britanniques sur le vote unanime en matière de politique

étrangère, de sécurité ou de fiscalité.

Les tories rejettent la Constitution de l'UE et veulent une

Europe "plus flexible". Le premier ministre les accuse de

vouloir, sans le dire clairement, "désengager" le royaume en

renégociant les liens qui l'unissent à l'Europe, une démarche

qui, en cas de raidissement ou de lassitude de ses grands

partenaires, ouvrirait la voie au retrait britannique de

l'Union. Quoi qu'il en soit, les candidats conservateurs

consacrent peu de temps à parler du Parlement européen. Ils

préfèrent des thèmes plus accrocheurs comme la nécessité de

durcir la politique britannique en matière de droit d'asile.

Les conservateurs risquent de souffrir, sur leur droite, de la

poussée antieuropéenne de formations plus radicales, aux

militants plus motivés, comme l'Independance Party (UKIP),

favorisées par la représentation proportionnelle et

l'absentéisme du plus grand nombre. Un récent sondage, qu'il

faut toutefois accueillir avec prudence, attribuait à l'UKIP

18 % des voix et sept mandats (contre 7 % et trois sièges en

1999).

Pour Tony Blair, le grand risque est de voir le scrutin se

transformer en un référendum contre sa politique irakienne. Le

Parti libéral-démocrate, désireux d'empocher les bénéfices de

sa ligne antiguerre, a appelé le public à exprimer un

vote-sanction. Le premier ministre a pris soin d'ajourner un

éventuel renforcement du contingent britannique en Irak, pour

ne pas braquer un peu plus un électorat qui y est, aux deux

tiers, hostile. Il trouvera en revanche un certain réconfort

dans le plus récent sondage, publié, mardi 26 mai, par le

Guardian. 76 % des électeurs travaillistes continuent de le

tenir pour un atout électoral, et 72 % souhaitent qu'il reste

à son poste après les prochaines élections législatives.

Jean-Pierre Langellier

David Hill et "les insuffisances françaises"

L'effondrement partiel du terminal 2E de Roissy -

Charles-de-Gaulle est l'occasion "d'attirer l'attention sur

les insuffisances des infrastructures françaises en matière de

transports", a selon le quotidien Daily Mail affirmé David

Hill, directeur de la communication de Tony Blair, au cours de

la réunion rassemblant, chaque lundi matin, tous les

responsables de la communication du gouvernement. Selon le

Daily Mail, les propos de David Hill ont "stupéfié" ses

collègues présents, l'un d'entre eux les jugeant de "mauvais

goût et surprenants". Selon le journal londonien, qui cite

sans le nommer l'un des participants à cette réunion, les

remarques de M. Hill avaient pour but "d'affaiblir les chances

de Paris d'accueillir les Jeux olympiques de 2012". "M. Hill a

déclaré, mardi, que ces remarques ne devaient pas être prises

au sérieux car c'étaient des propos désinvoltes, tenus au

cours d'une réunion interne", a précisé le Daily Mail. La

déclaration de David Hill "est exacte", a pour sa part déclaré

le porte-parole de Tony Blair, Ian Gleeson, qui a indiqué :

"Nous n'allons pas faire d'autres commentaires." - (AFP.)

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 28.05.04