« Lever le moratoire OGM »

La Commission décidera le 19 mai de lever le moratoire sur les

OGM

LE MONDE | 13.05.04 | 13h54

Seuls quatre commissaires sur trente ont fait connaître leurs

réserves lors d'une réunion préparatoire, mercredi 12 mai.

Bruxelles de notre bureau européen

L'affaire a été expédiée en quarante-cinq minutes, mercredi 12

mai, en fin de matinée. Les cabinets des commissaires

européens, dont le nombre est passé de vingt à trente avec

l'élargissement, ont ouvert la voie à la levée définitive du

moratoire sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), qui

s'applique dans l'Union européenne depuis 1999.

En effet, seuls quatre cabinets sur trente ont émis des

réserves sur la proposition d'autoriser la mise sur le marché

du maïs doux "Bt-11" produit par la firme Syngenta. Il s'agit

des représentants de la Verte allemande Michaele Schreyer, du

français UMP Jacques Barrot, du conservateur grec Stavros

Dimas, rejoints par le représentant du travailliste

britannique Neil Kinnock.

Les vingt-six autres ont approuvé la proposition ou n'ont rien

trouvé à y redire. Sauf improbable coup de théâtre, le collège

des commissaires prévoit d'approuver formellement cette

autorisation mercredi 19 mai lors de sa réunion hebdomadaire.

Présentée par l'Irlandais David Byrne, responsable de la santé

et de la protection des consommateurs, la proposition a été

élaborée avec tous les commissaires partis prenantes au

dossier, sous la houlette du président Romano Prodi :

l'Autrichien Franz Fischler (agriculture), la Suédoise Margot

Wallström (environnement), le Belge Philippe Busquin

(recherche), le Français Pascal Lamy (commerce international)

et le Finlandais Erkki Liikanen (entreprises). La manœuvre

permet à toute la Commission de faire bloc, alors que le temps

des polémiques est passé. "Le débat de fond a eu lieu en

janvier dernier. Il n'y a rien de neuf. C'est l'aboutissement

d'un processus", indique l'entourage de M. Prodi.

FIN DE MANDAT

Les commissaires qui travaillent depuis cinq ans sur le

dossier entendent boucler l'affaire avant la fin de leur

mandat le 1er novembre. Le système législatif fondé sur le

principe de précaution est en place, selon la Commission. Les

commissaires estiment qu'il faut l'appliquer et donc reprendre

le processus d'autorisation des OGM.

Les promoteurs de la décision ont reçu le renfort des

commissaires des pays de l'élargissement. Le représentant du

tchèque Pavel Telick, qui travaille en tandem avec M. Byrne, a

approuvé l'initiative, insistant sur le fait que les

consommateurs avaient le choix de consommer ou non des OGM.

Parmi les opposants, la verte Michaele Schreyer est la seule à

contester le principe de l'autorisation des OGM. Son cabinet a

invoqué l'opinion émise en avril par l'Afssa (Agence française

de sécurité sanitaire des aliments) qui s'opposait à

l'autorisation du Bt-11. Le représentant de M. Barrot a

surtout insisté sur le calendrier, trouvant le moment

particulièrement mal choisi, à quelques semaines des élections

européennes, alors que les opinions publiques sont réticentes

sur les OGM.

Cette analyse a été vivement contestée par les partisans de la

décision, en particulier le cabinet de M. Fischler : selon

lui, la Commission doit travailler en toute transparence

vis-à-vis des citoyens et ce serait faire preuve non pas de

responsabilité mais d'"opportunisme" que de reporter de quatre

semaines la décision, pour lever le moratoire juste après les

élections.

Le représentant du grec Dimas s'est demandé si la Commission,

en fin de mandat, avait la légitimité politique de prendre une

telle décision. Les partisans de l'autorisation ont estimé

qu'ils avaient le soutien du Parlement européen, qui a balayé

début mai un amendement déposé par les Verts demandant à la

Commission de ne pas se prononcer sur le dossier.

Les opposants à la décision ne comptent pas lever leurs

réserves lors de la réunion des chefs de cabinet qui aura lieu

lundi 17. Non pas parce qu'ils ont l'espoir de renverser une

décision qu'ils considèrent comme acquise mais parce qu'ils

veulent qu'il y ait un débat en Commission, mercredi 19.

Arnaud Leparmentier

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 14.05.04