« Lutte pour le Catalan »

Barcelone bataille pour que le catalan soit une langue

officielle

LE MONDE | 10.06.04 | 14h10

Barcelone de notre envoyée spéciale

Le catalan peut-il devenir une langue officielle de plus dans

les institutions européennes ? C'est ce que demandent tous les

partis politiques catalans, de gauche comme de droite,

nationalistes ou non, ainsi qu'ils l'ont manifesté dans une

déclaration du Parlement de Catalogne, le 26 mai : "Si l'Union

européenne veut être autre chose que la somme des

gouvernements des Etats, si elle aspire à constituer une union

des citoyens et des citoyennes sur un projet commun, elle ne

peut tourner le dos à la reconnaissance de la pluralité et de

la diversité linguistique dans son territoire.

"

A la maison, à l'école ou au Parlement régional, le catalan

est la langue de 10,5 millions de personnes, en Catalogne,

mais aussi dans la région de Valence, aux îles Baléares et en

Andorre. Une langue reconnue dans ces régions d'Espagne et

dans la principauté comme langue officielle. On le parle un

peu aussi dans la région de Perpignan, en France et en

Sardaigne.

Quelles que soient les convictions des principales formations

politiques catalanes, le discours est à peu près le même. Pour

Ignasi Guardans, tête de liste pour Convergence et Union

(CiU), qui fait partie pour les élections européennes de la

coalition des partis nationalistes modérés espagnols Galeuska,

qui comprend aussi le Bloc national galicien (BNG) et le Parti

nationaliste basque (PNV), l'inscription du catalan sur la

liste des langues officielles est "une conviction et un

besoin".

"Au minimum, dit-il, nous voulons que la Constitution soit

publiée en catalan. Nous souhaitons aussi pouvoir nous

adresser aux institutions européennes dans notre langue et

recevoir une réponse dans notre langue. Nous ne renoncerons

pas à avoir les mêmes droits que les Danois, les Estoniens ou

les Maltais". Et d'ajouter : " Si on nous répond, vous n'êtes

pas un Etat, cela nous poussera à revendiquer un Etat."

Le président du parti indépendantiste Esquerra republicana de

Catalunya (ERC), Josep Lluis Carod-Rovira, ne dit pas autre

chose : "Le catalan est la dixième langue européenne, 7

nouveaux pays sont plus petits que la Catalogne, 6

n'existaient pas en 1990. C'est à l'Etat espagnol de nous

défendre. S'il ne sert pas nos intérêts, c'est que nous avons

besoin de notre propre Etat."

Anna Terron, députée socialiste au Parlement européen depuis

1994 et présidente de l'Agence de la généralité de Catalogne

pour l'Europe, le Patronat catala pro Europa, fait confiance

au nouveau gouvernement socialiste. Dès son arrivée au

pouvoir, José Luis Rodriguez Zapatero a considéré que

rediscuter de "l'architecture" espagnole des régions n'était

plus un tabou, mais au contraire une nécessité pour la

cohésion du pays. "Pour la première fois, assure Anna Terron,

un gouvernement espagnol reconnaît à l'extérieur le

multilinguisme et le défend. Le Parti populaire de José Maria

Aznar en avait fait tout un drame, mais au fond tout le monde

est d'accord. L'élargissement donne une force nouvelle à une

vieille revendication."

Le texte de la Constitution européenne sera sans doute publié

dans les trois langues régionales espagnoles officielles (le

basque, le galicien et le catalan) mais le ministre espagnol

des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a reconnu

qu'il sera "très difficile" de faire accepter le droit des

Galiciens, des Basques et des Catalans à s'adresser aux

institutions européennes et à recevoir une réponse dans ces

langues. La présidence irlandaise, qui a renoncé à faire

inscrire le gaélique, trop minoritaire, sur la liste des

langues officielles, s'y est opposée, ainsi que d'autres pays,

dont la France.

Martine Silber

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.06.04