« Héritage chrétien »

La Pologne repart à l'offensive sur « l'héritage chrétien »

Article paru dans l'édition du 22.05.04

Varsovie veut que la future Constitution fasse explicitement référence au christianisme. Une lettre, signée par une dizaine de pays, dont le Portugal et l'Italie, devrait en faire officiellement la demande à la présidence irlandaise

Deux jours après l'échec de la réunion des ministres des affaires étrangères européens à Bruxelles, la Pologne vient de relancer une initiative sur un sujet qui divise les 25 : la référence à la tradition chrétienne dans la Constitution européenne. « La Pologne, avec l'Italie, est à l'origine d'une lettre commune adressée à la présidence irlandaise », confirme le porte-parole du ministère polonais des affaires étrangères, Boguslaw Majewski. « Le texte est actuellement discuté par différents pays. Il devrait être prêt vendredi 21 mai », ajoute le diplomate sans plus de précision sur son contenu.

A Dublin, le ministère irlandais des affaires étrangères a précisé, jeudi soir, à l'AFP que « la présidence n'a pas encore reçu de lettre », précisant qu'une telle demande pourrait de toute façon être examinée lors du prochain rendez-vous européen, lundi, à Bruxelles. Les autorités polonaises ont indiqué, sans en dévoiler le nom, qu'une dizaine de pays seraient prêts à signer ce texte. Plusieurs pays (Italie, Irlande, Malte, Pologne, Portugal, République tchèque et Slovaquie) ont déjà réclamé l'inclusion d'une référence explicite au christianisme dans ce préambule.

A Vilnius, un communiqué du premier ministre Algirdas Brazauskas a expressément fait référence à la signature, par la Lituanie, de cette missive, le même jour, à Bruxelles. Dans un communiqué, il est précisé que M. Brazauskas « a informé le nonce apostolique Peter Stephan Zubriggen que le ministre des affaires étrangères Antanas Valionis s'était joint aujourd'hui à la lettre signée par plusieurs membres de l'UE ».

Cette démarche signifierait que l'option avancée un temps par le président polonais Aleksander Kwasniewski - inclure la référence à la tradition chrétienne dans une déclaration annexe - est maintenant écartée. « Ce serait un non-sens de la défendre alors que l'épiscopat polonais s'est prononcé contre une telle solution », explique une source autorisée sous couvert d'anonymat.

Le projet de traité rédigé par la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing, se contente de préciser que la Constitution s'inspire « des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe ». Dans un entretien accordé, il y a un an, au journal italien Corriere della Sera, l'ancien chef de l'Etat français avait souligné qu'il avait été un temps question d'inscrire dans ce préambule « l'élan spirituel qui a parcouru l'Europe ». « Il est évident qu'il s'agit de celui de la religion chrétienne », avait-il estimé. « Mais nous ne pouvions pas le citer plus explicitement, sinon nous aurions dû mentionner aussi les autres religions présentes sur le continent, du judaïsme à l'islam. Et cette solution n'aurait pas été acceptable pour tous », avait-il alors rappelé.

Christophe Châtelot