« Les souverainistes contre tous les autres »

Européennes 2004

Les présidents du MPF et du RPF cherchent à mobiliser contre

l'entrée de la Turquie dans l'Union et en faveur d'un référendum sur

la Constitution

Les souverainistes veulent réveiller le débat

Sophie Huet

[08 juin 2004]

Dans un climat politique apparemment atone, la division des

souverainistes aux élections européennes du 13 juin constitue un

handicap pour les candidats des listes «Changeons d'Europe»

conduites par Philippe de Villiers, et «La France en tête» menée par

Charles Pasqua.

Parti le premier en campagne, début avril, le président du Mouvement

pour la France (MPF) déploie une énergie considérable pour mobiliser

les électeurs. Présent partout, sur les ondes ou dans les journaux

télévisés, Philippe de Villiers, qui conduit la liste dans l'Ouest,

fait tout pour réveiller l'électorat. En avril, il a fait distribuer

un million de tracts «Non à la Turquie dans l'Europe», un slogan

phare de sa campagne, qu'il voulait faire breveter. 500 000 affiches

«Non aux délocalisations» ont été distribuées mi-mai, pour envoyer

un message en direction des chômeurs. Une autre vague d'affiches,

«Protégeons nos campagnes», a ensuite été réalisée, à l'adresse des

électeurs ruraux.

Villiers a aussi fait envoyer dans tous les foyers un journal

électoral, dans lequel il propose d'être «la boussole d'une majorité

aujourd'hui désorientée». Reçu le 17 mai dernier à Matignon par

Jean-Pierre Raffarin, puis par le conseiller de Jacques Chirac,

Jérôme Monod, le député vendéen ne tire plus à boulets rouges sur le

gouvernement. Villiers se contente de dénoncer le découpage de la

France en huit grandes circonscriptions, déplorant que la majorité

veuille «tuer le débat national sur l'Europe». Son objectif, et il

ne s'en cache pas, c'est que le 13 juin, la majorité soit

«plurielle» et «s'exprime à travers plusieurs conceptions de

l'Europe».

La volte-face de l'UMP, de l'UDF et du PS, qui disent désormais –

comme lui – «non» à la Turquie, et qui réclament – comme lui – un

référendum sur le projet de Constitution européenne, est-elle

susceptible de lui prendre des électeurs ? Villiers ne le croit pas,

et rétorque : «S'agissant de l'entrée de la Turquie, nous sommes

face à un grand mensonge. Car si la Commission de Bruxelles émet une

recommandation favorable, le 1er octobre prochain, l'adhésion de la

Turquie sera enclenchée de manière irréversible.» Le député vendéen

est convaincu que, sur ce thème, comme sur celui du référendum, il

va récupérer les voix des électeurs souverainistes de l'UMP. Même

sans le soutien officiel de Nicolas Dupont-Aignan, député UMP de

l'Essonne, et fondateur du club «Debout la République». Ce dernier

n'a d'ailleurs pas empêché ceux qui formaient un trio avec lui pour

l'élection à la présidence de l'UMP, Sylvie Perrin et Christophe

Beaudouin, de figurer en numéro deux et trois sur la liste

villiériste conduite en Ile-de-France par le gaulliste Paul-Marie

Coûteaux.

Villiers multiplie en outre les apparitions (comme samedi dernier à

Bègles, pour protester contre le mariage homosexuel), ou les

initiatives (tel son livre-réquisitoire contre le gaucho, qui a

connu un grand succès). Il a effectué plus de soixante déplacements

dans toutes les régions, et il achèvera son tour de France le 9 juin

à Abbeville, aux côtés d'Yves Butel, le président de la fédération

des chasseurs de la Somme, chef de file de sa liste dans le

Nord-Ouest.

Après l'échec retentissant du mouvement Chasse, Pêche, Nature et

Traditions (CPNT) aux élections régionales et cantonales de mars,

liée à la stratégie controversée du «ni droite ni gauche» de Jean

Saint-Josse, Villiers n'a en effet eu de cesse de récupérer

l'électorat rural et chasseur. Pour cela, il a pris comme

codirecteur de campagne Thierry Coste, l'ancien conseiller politique

de Saint-Josse, très introduit dans le milieu cynégétique, qui

dirige une société de lobbying. Présent à l'université d'été du MPF

dans le Jura, en septembre dernier, Thierry Coste, qui a toujours

été clairement ancré à droite, travaille en réalité en sous-main

pour Villiers depuis des mois. Résultat : plusieurs élus CPNT sont

candidats sur les listes villiéristes, en particulier Yves Butel,

qui pourrait être le seul des six députés européens sortants de CPNT

à être reconduit à Strasbourg, mais sous l'étiquette Villiers.

Le député vendéen, dont les listes sont désormais créditées de 7%

des voix dans les sondages, mise sur «l'effet zapping» des derniers

jours de campagne pour mobiliser les souverainistes. Et, avec les

européennes, il se trouve sur un terrain qui lui est

traditionnellement favorable. Aux élections de 1994, Villiers avait

créé la surprise en obtenant 12,33% des suffrages, avec une liste

réunissant l'homme d'affaires milliardaire Jimmy Goldsmith, le juge

Thierry Jean-Pierre et le petit-fils du général de Gaulle, Charles

de Gaulle. En 1999, le succès était encore au rendez-vous pour la

liste Pasqua-Villiers, qui avait recueilli 13,05% des voix, et 13

sièges au Parlement européen, se payant le luxe de devancer la liste

RPR-DL menée par Nicolas Sarkozy (12,82%).

A propos de son ancien allié, Charles Pasqua, le député vendéen

lance : «Comment va-t-il ? Toujours à Sainte-Hélène ?» Pourtant, le

président du Rassemblement pour la France (RPF), qui a été le seul

des dirigeants politiques français à ne pas démissionner du

Parlement européen en 1999, lui a tendu la main. En présentant ses

chefs de file dans six circonscriptions (sur huit), le 5 mai, Pasqua

a précisé qu'il ne ferait pas de liste dans l'Ouest, pour ne pas

affaiblir Villiers. Une bonne manière qui a laissé ce dernier de

marbre.