« Complot contre l’Europe »

Politique

ÉLECTIONS Selon le président de l'UDF, l'UMP et le PS sont

responsables du désintérêt pour le scrutin

Bayrou dénonce «un complot» contre l'idée européenne

Judith Waintraub

[29 mai 2004]

A quinze jours des européennes, François Bayrou voit des «complots»

partout. Au PS, au gouvernement, à l'UMP, entre la gauche et la

droite... Tous de mèche, selon lui, pour «ne pas traiter du sujet

européen», de peur que leurs «dissensions et leurs contradictions

internes» n'apparaissent au grand jour ! Plus qu'à une défense de

l'oeuvre de Robert Schuman, sa référence constante, c'est à un

réquisitoire contre ses concurrents que s'est livré hier le

président de l'UDF.

A l'entendre, ce vaste «complot de ceux qui n'ont pas très envie

qu'on parle de l'Europe» explique l'indifférence persistante des

Français pour le scrutin du 13 juin. Et pan sur le Parti socialiste,

«qui dit qu'il consultera ses militants quand on lui demande son

avis sur la Constitution européenne». Pan sur l'exécutif, sur

Jacques Chirac qui reste favorable à l'entrée de la Turquie dans

l'Union, sur le gouvernement qui, «de son côté, considère en réalité

l'Europe non pas comme une affaire pour les citoyens, mais comme une

affaire pour les initiés».

Quant à l'UMP, elle se livre selon François Bayrou à «un tour de

passe-passe, une tentative pour tromper l'électeur, ou en tout cas

pour détourner son attention de l'Europe» en prenant «des positions

radicalement différentes de celles du président et du gouvernement».

Le leader centriste, qui a été le premier à s'alarmer du projet

d'adhésion de la Turquie et à demander que les Français soient

consultés sur le projet de Constitution européenne, ne se réjouit

pas que le parti chiraquien lui ait emboîté le pas. Il a affirmé que

ce ralliement n'était qu'un «reniement», feignant d'oublier que, dès

septembre dernier, Alain Juppé avait exprimé sur ces deux questions

des opinions très proches de celles de l'UDF.

Une omission bien compréhensible. Pour se distinguer de l'UMP sur

l'Europe, l'«autre pôle» de la majorité a choisi, faute de mieux, de

revendiquer son droit d'aînesse, en mettant en cause la sincérité de

la conversion de son adversaire. François Bayrou l'a d'ailleurs dit

quasiment en ces termes hier quand il a expliqué : «L'UDF a depuis

le début la même position et n'en a jamais changé. Nous pensons que

c'est une force.»

C'est, en tout cas, le thème principal sinon unique de la campagne

centriste. Les «25 propositions pour une Europe à 25» que l'UDF a

présentées hier, et qu'elle a l'intention de distribuer à 23

millions d'exemplaires, recoupent pour la plupart les initiatives

que prônent les dirigeants de l'UMP. François Bayrou demande un

«gouvernement économique de l'Union». Alain Juppé, en tandem avec

Nicolas Sarkozy, tracera mercredi prochain les perspectives d'une

«gouvernance économique de l'Europe». L'UDF est pour une

harmonisation fiscale entre les partenaires européens et contre le

dumping social. L'UMP aussi. L'une et l'autre préconisent une

politique étrangère et de défense commune, de même qu'une maîtrise

commune de l'immigration et une lutte commune contre le terrorisme.

Les centristes vont bien sûr continuer d'instruire le procès en

contrefaçon qu'ils intentaient déjà au RPR quand il s'est rallié à

l'Europe, mais ils se font peu d'illusions sur la portée de leurs

arguments. Les électeurs ont déjà du mal à percevoir ce qui

distingue les positions du PS – quand il en a – de celles de la

droite. Leur demander de trier les idées de l'UMP et celles de l'UDF

relève du voeu pieux.

C'est donc encore une fois sur le vote sanction que François Bayrou

compte pour élargir son audience. Même s'il insiste sur sa

proposition de doter l'Europe d'un président, élu «à terme» au

suffrage universel, pour marquer son originalité. Ou s'il plaide

pour une taxe sur les produits venant de pays «qui ne respectent pas

les minima sociaux et environnementaux», histoire de séduire

l'électorat de gauche.