« Constitution des listes politiques »

Politique

ALTERMONDIALISME

Attac se divise sur son rôle politique

Elsa Freyssenet

[17 mai 2004]

C'est une sorte de paix armée qui a été conclue samedi au conseil

d'administration d'Attac. Depuis plus de deux semaines, les membres

de la direction de l'association altermondialiste se déchirent à

propos des «listes 100% altermondialistes» qui pourraient se

présenter aux élections européennes du 13 juin. Et, plus

précisément, du rôle joué par le président d'honneur d'Attac,

Bernard Cassen, dans leur conception.

Attac a pour règle de «ne susciter, ne présenter ni ne soutenir

aucune liste ou candidature». L'implication trop visible d'un de ses

fondateurs et dirigeants dans une entreprise électorale réduirait ce

principe à néant. Or c'est bien cela qui a été reproché à Bernard

Cassen.

Dans une lettre aux adhérents, huit membres du bureau de

l'association dont ses trois vice-présidents (Susan George, Gustave

Massiah et François Dufour) avaient accusé, la semaine dernière,

Bernard Cassen, d'avoir, «en liaison avec Jacques Nikonoff» (le

président d'Attac), piloté en sous-main l'opération et contacté José

Bové pour qu'il «préside un comité de soutien». Une initiative qui,

selon les rédacteurs de cette lettre, faisait courir des «risques

majeurs» à l'association «ainsi instrumentalisée». Bernard Cassen

s'en défendait tout en reconnaissant avoir été informé et donné son

«avis» sur la préparation des listes. Il mettait en garde contre une

éventuelle «tentative de déstabilisation de la direction» et

pointait implicitement les représentants, au sein de la direction

d'Attac, d'organisations syndicales comme le G10-solidaires.

Outre des divergences de méthode, le conflit a mis en lumière un

débat de fond sur le rôle d'Attac. Schématiquement, il y a d'un côté

ceux qui veulent que l'association s'en tienne à son rôle de

contre-pouvoir interpellant les partis politiques. Et, de l'autre,

ceux qui considèrent que le mouvement altermondialiste doit avoir

une traduction électorale.

Et le débat a rebondi jusqu'au conseil d'administration

extraordinaire de samedi. A l'issue d'une journée entière de vives

discussions, une déclaration a été votée à l'unanimité, y compris

par Bernard Cassen et Jacques Nikonoff. Pourtant, elle reprend, en

termes diplomatiques et au conditionnel, les reproches formulés par

leurs détracteurs. Ainsi, le conseil d'administration «regrette» de

ne pas en avoir «été informé». «Si tel avait été le cas, un débat

aurait pu s'engager (...) sur les éventuels risques» que les listes

altermondialistes «pourraient faire courir» à l'association. «C'est

pourquoi cette situation est apparue dommageable du point de vue de

l'identité d'Attac». Voilà pour la méthode. Sur le fond, le débat

reste entier.

Hier, Bernard Cassen niait avoir été désavoué par le conseil

d'administration et voulait croire à «une péripétie qui est close».

Il se félicitait que cette crise contraigne Attac à «revisiter

d'urgence son rapport avec le champ politique». Lui est convaincu

que les partis «ne répondent pas à l'ampleur et à la diversité de la

demande antilibérale», qu'il y a «un espace politique qui n'est pas

occupé» et que «maintenant le terrain est ouvert pour d'autres

configurations». Même si cela doit se faire «hors d'Attac et sans

son implication»...