« Parlement européen »

Européennes 2004

Les Vingt-Cinq élisent leur premier Parlement

Bruxelles : de nos correspondants, Pierre Avril et Alexandrine

Bouilhet

[12 juin 2004]

Événement «historique», l'élection du premier Parlement de l'Europe

élargie, risque de passer inaperçue aux yeux de la plupart des

citoyens. La campagne express menée par les dirigeants des partis

européens s'achève dans une quasi-indifférence. De Dublin à Tallinn,

d'Helsinki à Chypre, quelque 350 millions d'électeurs sont appelés,

d'ici demain soir, à se rendre aux urnes pour élire la plus grande

assemblée transnationale du monde : 732 députés représentant les

citoyens de 25 pays, élus parmi 14 670 candidats, répartis sur 947

listes, et issus de 481 partis. Le marathon électoral a débuté jeudi

et vendredi dans quatre Etats membres : la Grande-Bretagne, les

Pays-Bas, l'Irlande et la République tchèque. Mais le gros des

troupes se mobilisera aujourd'hui – en Italie, à Malte et en

Lettonie – et surtout dimanche, jour d'élections en France, en

Allemagne, en Espagne et en Pologne. Jusqu'au dernier moment, les

dirigeants européens se sont efforcés de mobiliser un électorat

apathique, misant sur la carte émotionnelle. «En choisissant nos

représentants, nous allons souligner ce qui s'est déjà manifesté le

1ermai, à savoir que la division de l'Europe appartient aux livres

d'histoire», a déclaré le chef de la diplomatie étrangère de

l'Union, Javier Solana. Dans les pays qui ont inauguré le baptême

électoral, hier et avant-hier, cet appel semble avoir été entendu.

La participation est plus forte que prévu. Les électeurs néerlandais

étaient près de 40% à se rendre aux urnes, jeudi, soit dix points de

plus qu'en 1999. Même embellie en Grande-Bretagne, où le scrutin

européen était couplé à des élections municipales. Il n'y a pourtant

pas de quoi triompher. Aux yeux de nombreux électeurs, le match de

foot qui opposera dimanche soir la France et l'Angleterre, devrait

susciter bien plus d'intérêt que la composition politique du nouveau

Parlement, dont de nombreux européens ignorent toujours l'utilité.

«Les gens se demandent pourquoi ils vont voter : il n'y a guère de

personnalités fortes et visibles parmi les parlementaires et ils ont

l'impression de ne pas avoir de véritable choix», observe Sebastian

Kourpas, analyste au Center for european and policy studies (CEPS).

Cette désaffection a été entretenue par une campagne atone,

incapable de faire émerger un véritable débat européen. Dans sept

pays, scrutins européens et nationaux ou locaux se déroulent le même

jour, entretenant ainsi la confusion dans l'esprit des électeurs. La

prolifération des listes, plus d'une centaine en France, en Italie

et en Pologne, n'aide pas à y voir plus clair. La juxtaposition des

scrutins a tendance à occulter l'enjeu européen, lequel n'a aucun

impact sur la nomination d'un quelconque exécutif. Il s'agit

d'ailleurs de son principal handicap. «Compte tenu des pouvoirs

politiques réduits de ce Parlement, qui n'a même pas la faculté de

choisir seul son président, c'est un miracle que les électeurs se

déplacent», commente le constitutionnaliste Olivier Duhamel.

Renonçant à expliquer aux électeurs l'impact, encore peu visible,

des décisions de Strasbourg sur leur vie quotidienne, les chefs de

partis se sont rabattus sur des débats nationaux, plus payant

électoralement. Quand ils ont pu émerger, les rares débats sur

l'Europe ont plutôt servi la cause des eurosceptiques, qui devraient

emporter une centaine de sièges dans le nouvel hémicycle.

Curieusement, la fibre nationale et patriotique n'a jamais autant

vibré que dans les dix nouveaux pays membres.