« Faire un sermon »

En meeting vendredi, l'ancien Premier ministre a

fait la leçon au gouvernement.

Jospin, le sermon toulousain

Par Gilbert LAVAL

samedi 29 mai 2004 (Liberation - 06:00)

Toulouse de notre correspondant

«Les raisons de sanctionner le gouvernement ce

13 juin n'ont pas changé depuis les élections

régionales du 28 mars.» Il faudra se contenter

de ça. Pour son premier meeting depuis la

campagne présidentielle de 2002, Lionel Jospin,

en visite vendredi à Toulouse, a voulu être

sévère avec l'équipe UMP au pouvoir,

caractérisée, selon lui, par «l'incohérence et

l'injustice». Mais il n'en a pas dit davantage

sur un retour plus avancé sur la scène

politique.

Faim. Le maire (PS) de Ramonville, dans la

banlieue de Toulouse, Pierre Cohen, a cru

pouvoir lancer le sujet dans sa salle des fêtes

en fin de journée : «La campagne midi-pyrénéenne

pour les régionales, qui a été lancée ici même

par Martin Malvy [président de la région], s'est

très bien terminée avec son élection. Je

souhaite la même chance à tout le monde.» Mais

Jospin n'a ni bronché ni cillé. La tête de liste

européenne Kader Arif a tenté le coup à son tour

: «Je pensais que cette journée serait consacrée

à l'Europe, mais je m'aperçois que les questions

qui nous ont été posées cet après-midi n'ont

rien à voir avec le sujet...» Las ! ils seront

restés sur leur faim.

Pourtant, Jospin ne se prive pas de commenter la

politique intérieure. Nicolas Sarkozy ? «Il

refuse de financer les mesures que lui-même

avait préconisées quand il était à l'Intérieur.»

Ni la politique étrangère du chef de l'Etat :

«Jacques Chirac laisse la France en position de

faiblesse en Europe.» Le 28 mars a été, selon

l'ex-Premier ministre, l'occasion pour les

électeurs de dire qu'ils «n'acceptaient pas

l'incohérence du pouvoir et n'aimaient pas non

plus la façon dont ils sont gouvernés». Mais le

pouvoir n'aurait «rien entendu» de ce message,

insiste-t-il, puisque le Premier ministre est

«resté en place» et que les ministres «se sont

contentés d'échanger leurs postes entre eux».

Sinon, rien de ce meeting du soir n'a dénoté

avec le reste de sa journée. A l'école de la

Deuxième Chance, en début d'après-midi, le

candidat recalé à la présidentielle n'a pas

voulu tenter la sienne. Dans cet établissement

de formation pour les jeunes hors système

scolaire, Jospin chaloupe entre les questions

des élèves. «Je ne me pose pas la question»,

répond-il à Malika qui tente de savoir ce qu'il

fera à la présidentielle de 2007. «Je suis venu

soutenir Kader Arif, tête de liste pour les

européennes dans la région du Grand Sud-Ouest»,

répond-il à Hamid qui lui demande d'emblée ce

qu'il est «venu faire ici». L'ancien Premier

ministre, qui entraîne une forêt de caméras dans

le sillage des trois voitures de son cortège, ne

livrera pas ses intentions. Ni ne dira qu'il en

a, d'ailleurs.

Les militants se lassent peut-être de ce silence

: «Il se prend pour le pape du socialisme ?»

interroge l'un d'eux, fatigué d'attendre la

fumée blanche. «Il fait son boulot», temporise

un élu. Le boulot de Jospin, en pleine campagne

européenne, était de visiter une école financée

à 40 % par des fonds européens. Il a pu

incidemment mesurer l'attachement des plus

défavorisés aux emplois-jeunes, qu'il avait

créés, depuis remis en cause ­ «Il faudra

envisager de les remettre en place», lâche-t-il.

S'il est parti ensuite visiter l'usine de

montage de l'Airbus A380, c'est «tout

simplement, explique-t-il, que c'est sous mon

gouvernement que cette opération industrielle a

été lancée». Cette visite a été au moins

l'occasion de rappeler son bilan au bon souvenir

de tous.

«J'attends toujours la bonne parole»,

s'impatiente l'élu régional Didier Cujives, vers

17 heures. A ce moment, Jospin se «promène dans

Toulouse». A la terrasse des brasseries du

Capitole et de la place Saint-Sernin au moins.

Les badauds interrogent : «C'est Jospin ? C'est

vrai ?» Les étudiants se perchent sur les bornes

de la rue du Taur pour tenter de l'apercevoir.

Il leur serre la main, sourit, ne dit toujours

rien. «On voit toutefois qu'il est heureux au

contact du public», analyse généreusement son

ami et ex-conseiller Michel Teychené. «Je le

trouve en forme et très décontracté», juge

Martin Malvy. Les 400 personnes qui

l'attendaient à Ramonville ont été d'un

enthousiasme plus mesuré. La sono prévue pour

l'extérieur est en tout cas restée inutile.