« Le mythe de l’union politique »

DSK relance le mythe de «l'Union politique»

Il a remis, hier, son «projet durable pour

l'Europe de demain» à Romano Prodi.

Par Paul QUINIO

mercredi 19 mai 2004 (Liberation - 06:00)

Renouer avec le «mythe». Rien de moins. C'est la

portée que fixe Dominique Strauss-Kahn aux 50

propositions contenues dans le rapport, remis

hier à Romano Prodi. Le président de la

Commission européenne lui avait confié la

présidence d'une table ronde pour rédiger «un

projet durable pour l'Europe de demain». Une

dizaine de membres (parmi lesquels Bronislaw

Geremek, ex-ministre polonais des Affaires

étrangères, Hans Tietmeyer, ex-gouverneur de la

Bundesbank ou encore Nicole Notat, ex-secrétaire

générale de la CFDT) en faisaient partie. Mais

c'est en «[son] nom» que l'ancien ministre de

Lionel Jospin présente ce texte de 109 pages,

intitulé «Construire l'Europe politique». «Les

propositions qu'il contient ne sont pas

nécessairement soutenues par tous les membres»

du groupe de travail, écrit-il dans son

introduction.

Ambition. DSK propose que l'Union crée «le

premier impôt européen, qui pourrait prendre la

forme d'une taxe additionnelle à l'impôt sur les

sociétés». Selon lui, le passage à l'Union

politique ne peut se concevoir avec un budget

égal à 1 % du PIB européen : il faut donc

«supprimer le plafond de ressources propres»

pour «passer approximativement à 2 % du PIB». Il

suggère également de «favoriser la mobilité

entre les fonctions publiques nationales», mais

aussi de «donner mandat au prochain Parlement

européen pour préparer une nouvelle étape

constitutionnelle», idée déjà évoquée dans le

débat interne au Parti socialiste français. Il

reprend aussi la proposition du PS, dans la

campagne en cours avant le scrutin du 13 juin,

«d'un revenu minimum européen».

Toile de fond de ces propositions, la nécessité

de relancer le projet européen via «une grande

ambition pour les vingt prochaines années :

construire l'Europe politique». C'est le nouveau

«mythe» dont l'UE a besoin après celui de

l'euro. «L'Union européenne traverse une triple

crise, son projet est en panne [...], elle se

pose pour la première fois la question de ses

frontières, écrit DSK en introduction. Dès lors,

la finalité de la construction européenne est à

nouveau posée : l'Union doit-elle renouer avec

la vision politique de long terme des pères

fondateurs ou se limiter à une coopération

toujours renforcée entre des Etats indépendants

?» Pour l'auteur du rapport, l'Europe politique

s'impose comme réponse à cette crise. D'abord

parce qu'il existe, selon lui, «un modèle de

société commun» (les droits de l'homme, la

culture comme moyen d'émancipation, le

multilatéralisme...). Ensuite, parce que ce

modèle, précisément, est menacé de l'intérieur

(mutations économiques, vieillissement de la

population...) et de l'extérieur

(mondialisation...). DSK voit dans l'adoption du

projet de Constitution (lire aussi page 12) «le

point de départ et non le point d'arrivée» de

cette ambition.

Turquie. En désaccord sur ce point avec pas mal

de socialistes français, il suggère de «préparer

un processus d'extension» de l'UE à «tout le

pourtour méditerranéen», y compris donc la

Turquie, afin que l'Europe puisse peser face aux

grands ensembles, américain, chinois ou indien.