« Oublier le scrutin »

Européennes

Pour Chirac et Raffarin, l'invisible scrutin

Quels que soient les résultats, le Premier

ministre devrait garder son fauteuil à Matignon.

Par Antoine GUIRAL et Vanessa SCHNEIDER

samedi 12 juin 2004 (Liberation - 06:00)

Européennes, vous avez dit européennes ? Pour le

gouvernement, l'affaire est entendue depuis les

régionales : ce scrutin n'existe pas. Depuis la

sévère défaite de mars, il s'attend à une

nouvelle claque et ne compte pas y donner plus

d'importance que ça.

Décoder. Jean-Pierre Raffarin n'a quasiment pas

fait campagne. Il s'est contenté de dix minutes

d'explications lors d'une émission télévisée sur

LCI, d'une interview au Monde et d'un meeting à

Paris jeudi. Idem pour son numéro 2, Nicolas

Sarkozy, qui n'est allé soutenir que son bras

droit, Brice Hortefeux, à Clermont-Ferrand.

L'Elysée, en revanche, estime avec sérieux que

Jacques Chirac «a beaucoup mouillé sa chemise

dans cette campagne, depuis plusieurs mois». Son

entourage met en avant la conférence de presse

du chef de l'Etat consacrée à l'Europe fin

avril, sa rencontre avec des jeunes

franco-britanniques aux côtés de Tony Blair, et

ses prises de position répétées pour inciter les

électeurs à aller voter sans disperser leurs

suffrages sur des petites listes qui

affaibliraient, selon lui, la voix de la France

au Parlement de Strasbourg.

Dans le droit fil de la pensée chiraquienne, le

Premier ministre a déjà donné sa lecture du

scrutin : le clivage droite-gauche n'est pas

pertinent pour analyser les résultats qu'il

faudra, selon lui, décoder en fonction du

sentiment de «confiance» à l'Europe que les

électeurs auront voulu témoigner. Si le groupe

du PPE, qui regroupe les partis européens de

droite et de centre droit, est plus important

que celui des socialistes, il estimera par

ailleurs avoir gagné. Dans le même registre de

la mauvaise foi, les chiraquiens se sont fixés

comme objectif de dépasser les 13 % obtenus par

Sarkozy en 1999. Une performance pas trop

difficile à améliorer qui leur permettra de se

rassurer à bon compte, et d'infliger une petite

vexation au ministre des Finances. A l'Elysée

comme à l'UMP, on fait d'ores et déjà le gros

dos. Alain Juppé a prévenu que ce ne «sont pas

des élections européennes qui permettent de

changer de majorité». Et donc de gouvernement.

Quels que soient les résultats, Raffarin semble

quasi certain de conserver son fauteuil à

Matignon. «Il n'y aura ni remaniement, ni

ajustement au sein de l'équipe gouvernementale»,

assure un conseiller de Chirac qui espère «un

sursaut de l'électorat UMP». Seule Tokia Saïfi,

secrétaire d'Etat au Développement durable et

tête de liste UMP dans le Nord, devrait

abandonner son portefeuille avant de siéger au

Parlement de Strasbourg.

Scénarios. Après avoir reconduit Raffarin malgré

le rejet qu'il suscite, Chirac n'a aucun intérêt

à se débarrasser de lui maintenant. D'autant

plus qu'il n'a pas envie de nommer à sa place

Sarkozy. Le gouvernement donne pour l'instant

satisfaction à l'Elysée comme à Matignon où l'on

se félicite notamment des débuts de Sarkozy à

Bercy et de Philippe Douste-Blazy à la Santé. Et

Raffarin doit encore boucler la réforme de

l'assurance maladie, la loi sur la cohésion

sociale et le budget. «C'est de la réussite des

réformes que dépendra sa longévité», note un de

ses proches. Il devrait donc rester en place au

moins jusqu'en septembre. A cette date, deux

scénarios s'offrent à lui : soit il profite des

sénatoriales pour quitter le navire, soit il se

refait une petite santé dans les sondages grâce

au retour de la croissance et il peut espérer

rester encore un peu Rue de Varenne.