« Une réhabilition »

Les régionales, une réhabilitation paradoxale

Jospin revendique une part de la victoire, là où

d'autres estiment avoir gagné sans lui.

Par Paul QUINIO

samedi 29 mai 2004 (Liberation - 06:00)

eureux ou contrarié ? A trois reprises, Lionel

Jospin a choisi de donner de la visibilité à son

action. D'abord avec sa sortie à contre-courant

de la direction du PS sur le mariage gay, puis

vendredi à Toulouse (lire ci-contre), et enfin,

mardi prochain, avec son déplacement en Bretagne

pour soutenir les candidats socialistes aux

européennes dans l'Ouest. Ces trois exemples

sont-ils le fruit du bilan paradoxal que

l'ex-Premier ministre a tiré de la victoire des

socialistes aux régionales ? Son ami Daniel

Vaillant assure que non : «Il était enchanté du

résultat.» Plusieurs dirigeants du PS confirment

que le soir des résultats il était «heureux»,

voire «joyeux». Il a sans doute moins apprécié

l'interprétation de cette victoire faite par

certains au PS : ils peuvent gagner sans lui.

L'ex-candidat à l'Elysée a lu le vote de mars

comme «une forme de reconnaissance» ou «une

réhabilitation» de son action à la tête du

gouvernement entre 1997 et 2002. Un sentiment

légitimé par la campagne du PS avant le scrutin

: la philosophie des propositions socialistes

(tels les «emplois tremplins»), l'angle choisi

pour dénoncer la politique économique du

gouvernement (l'absence de «volontarisme» pour

relancer le couple moteur croissance-emploi)

étaient largement d'inspiration jospinienne. La

défense des 35 heures face aux assauts de la

majorité et du Medef a complété, pendant cette

période prérégionales, le retour en grâce du

bilan Jospin.

Alors qu'il a essentiellement expliqué sa

défaite au premier tour de la présidentielle par

la dispersion à gauche, Jospin a aussi été

«réconforté par les regrets» qu'auraient

exprimés, le 21 mars, des électeurs qui

l'avaient boudé le 21 avril 2002. Ses petites

incursions de campagne à Marseille ou à Dijon

ont flatté son ego. Comme le dit Vaillant, «on

ne peut pas l'empêcher de prendre un certain

plaisir à aller au-devant de gens qui

l'applaudissent».

Revers du succès : «Psychologiquement,

l'interprétation des régionales ne lui a pas

fait plaisir», confie l'un de ses

interlocuteurs. Requinqués, les socialistes

peuvent en effet tourner la page Jospin et

«l'enterrer une deuxième fois». «Je l'ai senti

se raidir, commente un jospinien. Il a très vite

compris que la trappe se refermait, qu'il

n'aurait plus d'espace» entre Fabius,

Strauss-Kahn et Hollande. Les deux premiers ont

très rapidement lancé la course présidentielle.

Le troisième a personnellement tiré bénéfice de

la victoire. Opportunément, Jospin a profité de

la première occasion ­ le mariage gay ­ pour se

remettre sur ses pattes de gros chat qui joue

avec les souris. Son jeu préféré depuis un

moment.