« Équité médiatique »

Le CSA dépoussière la campagne radiotélé

Une première: les partis pourront tourner leurs

clips hors de la Maison de la radio.

Par Didier HASSOUX et Isabelle ROBERTS

mardi 18 mai 2004 (Liberation - 06:00)

La politique en clips tournés hors des studios.

Pour les européennes, la campagne radiotélévisée

officielle sera rock n' roll ou ne sera pas. En

tout cas, c'est ce qu'espère le Conseil

supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui a décidé

de la rénover. Avant, c'était simple,

monolithique : le CSA mettait à la disposition

des candidats un studio à la Maison de la radio

et, en toute fin de campagne ­ une fois la

tournée des meetings terminée ­, les hommes

politiques défilaient la veille ou

l'avant-veille de la diffusion du spot pour

enregistrer leur réclame. Tout cela, c'est fini.

Plus de Maison ronde et sa moquette commune à

tous les candidats, les trois sortes de tables

au choix, le même nombre de spots contingenté

quel que soit le parti, le même mur sur lequel,

on pouvait ­ seule liberté ­ punaiser une carte

de France.

Déjà, dans les années 90, le CSA avait autorisé

50 % d'inserts tournés en extérieur pour faire

respirer des spots à la grâce toute

brejnévienne. Pas suffisant : «C'était 50 % de

liberté dans 50 % de contraintes», explique

Joseph Daniel, conseiller en charge des

campagnes électorales au CSA. D'où une tendance

certaine du téléspectateur à se carapater à la

seule vue d'une campagne officielle. Et ce, même

quand Antoine Waechter se fait interviewer par

un comparse déguisé en castor... En 2001, le CSA

commence à travailler à une réforme. Ce ne sera

pas pour la présidentielle ou pour les

législatives de 2002 : le Conseil

constitutionnel est réticent. Ni pour les

régionales, qui n'ont pas de campagne officielle

à la télé. Ce sera donc pour les européennes.

Pas de lieux officiels. Plus de Maison de la

radio, donc, mais une équipe de tournage mise à

la disposition des candidats (après appel à

candidatures, France 3 a été choisie), lesquels

pourront choisir leur réalisateur et aller

tourner où bon leur semble. Enfin, presque : ils

doivent éviter les lieux officiels, tels

l'Assemblée, Matignon ou l'Elysée, et s'abstenir

de planter derrière eux le drapeau français ou

européen. Le CSA contrôlera après coup la

légalité des messages. Les spots seront plus

courts : une minute quinze pour le format le

plus bref (1). Ce sont eux qui seront le mieux

exposés : après le journal de 20 heures, sur

France 2, ou avant Questions pour un champion,

sur France 3. Les bavards se retrouveront après

Télématin.

Le collectif de publicitaires baptisé Démocratie

et Communication espère que ces changements

constituent un premier pas vers la pub

politique. Mais, attention, pas comme aux

Etats-Unis avec avalanche d'argent et messages

mensongers ! Juste une publicité bien française

contrôlée par le CSA. Nicolas Bordas, le

publicitaire attitré du PS pour les européennes,

est pour, parce qu'elle incitera les électeurs à

accomplir un geste civique. Vice-président de

l'agence TBWA, il estime que la réforme est «un

bon signe, mais insuffisant».

A l'inverse, Joseph Daniel se félicite de cette

réforme qui éloigne, selon lui, une éventuelle

autorisation de la pub politique : «Si nous

n'avions pas rénové le système, on nous aurait

bientôt dit : "Il faut passer à la pub

politique, parce que ce que vous faites est

sinistre." Pour nous, c'est un test en vrai.»

Mais avec des messages d'une minute quinze,

contre trente ou quarante-cinq secondes pour les

vrais spots de pub, on est encore loin du

compte.

Satisfaction. Côté politique, les responsables

de la com' des partis se disent satisfaits par

l'allégement des contraintes. «C'est un bon

compromis», estime ainsi Claude Bartolone (PS),

qui se réjouit «qu'on ait évité un système à

l'américaine». Pour l'UMP, Marie-Laure

Simon-Baulieu ne sait pas trop quoi penser. Si

ce n'est que la nouvelle façon de travailler «ne

sera pas une révolution» pour eux. Enfin,

François Bayrou promet d'utiliser les clips de

l'UDF pour faire de l'instruction civique. Un

rôle d'ordinaire dévolu au gouvernement. Qui,

sous prétexte de manque d'argent, s'est abstenu

d'inciter par les ondes les électeurs à aller

voter.

(1) Les partis représentés au Parlement

disposent de deux heures d'antenne, les autres

d'une heure.