« Les questions intérieures »

Européennes

Les problèmes intérieurs emplissent les urnes

Les dix nouveaux membres de l'UE ne semblent

guère mobilisés pour leur futur Parlement.

Par Marc SEMO

samedi 12 juin 2004 (Liberation - 06:00)

Partout chez les Vingt-Cinq, ce vote sera dominé

d'abord par des enjeux de politique intérieure.

«Dans chaque pays, comme d'habitude, les

électeurs vont voter pour ou contre leur

gouvernement national», reconnaissait Romano

Prodi, président sortant de la Commission

européenne et père spirituel, en Italie, de la

liste de centre gauche Unis dans l'Olivier. Dans

la péninsule, l'opposition de gauche fait bloc

et a le vent en poupe dans les sondages. Son

objectif : affaiblir la coalition de droite au

pouvoir de Silvio Berlusconi, lui-même tête de

liste de son parti, Forza Italia, dans les cinq

circonscriptions du pays mais qui ne pourra pas

siéger à Strasbourg à moins de démissionner de

ses fonctions de Premier ministre. Son parti

tournerait autour de 23 %, nettement moins

qu'aux dernières législatives de 2001 (29,8 %)

ou qu'aux précédentes européennes (25,2 %).

Impopularité. En Grande-Bretagne, les élections

locales qui se déroulaient jeudi en même temps

que les européennes annoncent un vote-sanction

contre Tony Blair, plombé par son soutien à

Washington dans l'aventure irakienne. Le

chancelier allemand Gerhard Schröder était aux

côtés de Paris pour refuser la guerre mais son

gouvernement est pénalisé par le ralentissement

de la croissance économique et l'impopularité de

réformes aussi courageuses que tardives. Les

sociaux-démocrates sont crédités d'à peine 25 %

face à une CDU regonflée à bloc qui accuse le

gouvernement «rouge-vert» d'avoir fait couler le

pays. Crédités de 11 % des suffrages, les Verts

tirent néanmoins leur épingle du jeu, forts

d'avoir mené avec Daniel Cohn-Bendit une

véritable campagne européenne.

Ailleurs, les enjeux sont moins cruciaux. Les

sociaux-démocrates danois, dans l'opposition

depuis 2001, devraient doubler leur score et

arriver à 34 % des voix, redevenant ainsi la

première force du pays. On craint, en Belgique,

une poussée de l'extrême droite flamande lors de

scrutins locaux, tenus en même temps que les

élections européennes, qui pourrait menacer

l'actuelle coalition «laïque» de Guy

Verhofstadt. En revanche, la droite grecque et

les socialistes espagnols, l'un et l'autre à

peine revenus au pouvoir, profitent encore d'un

état de grâce.

«Naïvement». Parmi les dix nouveaux membres de

l'Union européenne aussi, la politique

intérieure dominera, notamment en Pologne,

plongée dans une crise politique avec

l'implosion des ex-communistes au pouvoir. Les

forces populistes et eurosceptiques, dont le

mouvement du leader paysan Andrej Lepper,

devraient se renforcer. Il en sera de même en

Slovaquie et en République tchèque. Le taux de

participation à l'Est s'annonce très bas. C'est

seulement parmi les plus petits, Malte, Chypre

et la Slovénie, que les électeurs semblent

vraiment se mobiliser. Professeur de sciences

sociales à Ljubljana, Ogor Lukisc constatait :

«Les Slovènes croient naïvement que ces

élections sont importantes et à même de changer

leur vie.»