1.2.2 L’antisélection et l’aléa moral dans l’assurance

1.2.2.1 L’antisélection

Le problème d’asymétrie d’information a été l’objet de nombreux développements. Deux types d’asymétries d’information entre assureurs et assurés sont distinguées : l’antisélection et l’aléa moral. L’antisélection est liée à l’inobservabilité d’une caractéristique inaltérable du bien échangé ou de l’individu. Le marché d’assurance fournit un cadre privilégié à l’étude de tels phénomènes. Le problème d’antisélection survient lorsque la population est hétérogène et que l’assureur ne peut pas observer toutes les caractéristiques qui affectent la probabilité de sinistre des assurés. La source de ce problème tient à l’existence de bons risques à coté de mauvais risques. Akerlof (1970) montre que l’asymétrie d’information engendre l’exclusion des bons et dans un cas extrême, la disparition du marché.

Afin de contrôler le problème d’antisélection, Rothschild et Stiglitz (1976) suggèrent qu’il fallait amener les individus à révéler eux mêmes la classe de risque à laquelle ils appartiennent.

Les assureurs doivent offrir un menu de contrat d’assurance au lieu d’en offrir un seul. Les contrats proposés sont caractérisés par des franchises croissantes associées à des primes de plus en plus faibles. Les mauvais risques choisiront des contrats à forte prime et faible franchise. Au contraire, les bas risques choisiront des contrats à faible prime et forte franchise. Rothschild et Stiglitz (1976) montrent que un équilibre séparateur, caractérisé par une couverture complète des hauts risques et une couverture partielle des bas risques, s’établit si la proportion des individus à haut risque est relativement élevée. Certains travaux empiriques ont validé ces prédictions théoriques. Beliveau (1981) montre que l’antisélection engendre une sous consommation d’assurance vie pour les bas risques. De même, Chiappori et Chassagnon (1995), montrent que les individus les plus risqués préfèrent les contrats des individus moins risqués. Au contraire, Chiappori et Salanié (1996), montrent que la sélection adverse à la Rothschild et Stiglitz est un événement négligeable sur le marché d’assurance automobile. Chiappori et Salanié (2000), dans leurs travaux sur l’assurance automobile en France, démontrent également l’absence de la sélection adverse à la Rothschild et Stiglitz.

Plusieurs limites aux estimations effectuées peuvent être mises en évidence si l’on considère la réalité, ce qui peut expliquer la divergence des résultats empiriques:

- L’assuré peut choisir un contrat d’assurance dépendant des variables qui ne figurent pas dans les estimations, ce qui peut être une source de biais.

- A ce premier biais, on peut ajouter le problème d’arbitrage entre la richesse et la santé lorsqu’il s’agit d’un marché d’assurance santé, ce qui peut être une source d’inefficacité dans l’estimation.

Néanmoins, il est important de rappeler deux limites du modèle de Rothschild et Stiglitz. Tout d’abord, la compagnie d’assurance propose un échange spécifiant le paiement d’une prime contre le remboursement d’une indemnité. Dans la réalité, la compagnie d’assurance propose à l’individu différentes primes associées à différents niveaux de couverture. La deuxième limite est que la prime d’assurance est actuarielle. Cette hypothèse n’est pas très robuste car les compagnies d’assurance sont soumises, dans la réalité, à des coûts de tarifications.