1.3.2.2 Le paradoxe d’Ellsberg

Dans sa version savagienne, le principe d’EU s’intéresse aux probabilités subjectives en admettant que, en absence d’information complète, les individus déterminent leurs probabilités subjectives en fonction de leur propre expérience et de leur propre connaissance.

Au contraire, D. Ellsberg montre que le comportement observé des individus n’est pas conforme aux règles de calcul des probabilités subjectives.

  R N J
1 100 0 0
2 0 100 0
3 100 0 100
4 0 100 100

La majorité des personnes interrogées préfèrent 1 à 2 et 4 à 3. S’il existe une mesure de probabilité induite par ces préférences, elle doit vérifier :

P(R) > P(N) et P(R) + P(J) < P(N) + P(J).

Or, aucune mesure de probabilité additive ne satisfait à ces deux inégalités, ce qui laisse à penser que les croyances ne sont pas de nature probabiliste.

Evidemment, ce paradoxe ne contredit pas la version de vNM puisque, pour ces derniers les probabilités ne sont pas subjectives mais données de façon exogène à l’individu.

De nombreuses autres études expérimentales sur le comportement des individus face au risque ont été réalisées. Citons, entre autres, l’effet d’isolation ou « framing effect » exhibé par Kahneman et Tversky (1979) qui montre que le choix des individus diffère selon la présentation des expériences, ou encore l’effet d’isolation des préférences (Grether et Plott (1979)) pour lequel les choix des individus ne sont pas cohérents avec le principe d’EU suivant que les gains sont positifs ou négatifs.

Notons, toutefois, qu’un certain nombre de recherches se sont intéressées à la vérification empirique du principe d’EU, et plus particulièrement aux développements théoriques auxquels ce principe a donné lieu, notamment en matière d’assurance. S’il est vrai que ces recherches sont encore peu nombreuses, elles ne sont pas forcément défavorables au principe d’EU.

Face à l’ensemble de ces contradictions du principe d’EU, deux attitudes sont possibles, soit considérer que toutes ces expériences sont des marques de l’irrationalité des agents, de leur manque d’attention ou d’erreur de jugement, soit essayer de construire de nouveaux modèles permettant d’intégrer ces contradictions et qui s’efforcent de dépasser le principe d’EU.

Les tenants de cette seconde attitude ont alors développé deux grandes voies de recherche. En premier lieu, les modèles qui abandonnent la linéarité des préférences dans les probabilités et qui permettent d’expliquer le paradoxe d’Allais, connus sous l’appellation des modèles non linéaires. En deuxième lieu, les modèles qui abandonnent l’additivité des croyances et qui permette d’expliquer le paradoxe d’Ellsberg, connus comme les modèles non-additifs. Ces derniers modèles se basent sur une représentation non-probabilistes des croyances. Cependant, les modèles qui abandonnent la linéarité des préférences dans les probabilités constituent un cas particulier des modèles de décision non-additifs.