Conclusion générale

La médecine distingue essentiellement deux grands types de soins préventifs. Les soins préventifs primaires - ou auto-protection - ont pour objectif de réduire la probabilité d’occurrence de la maladie et les soins préventifs secondaires - ou auto-assurance - ont pour but de réduire la gravité ou l’étendue de la maladie. Une large littérature, en économie de la santé, examine l’interaction entre la médecine curative et la prévention primaire et secondaire, en utilisant une fonction d’utilité uni variée. Cependant, le fait que l’objectif du décideur est représenté par une fonction d’utilité unidimensionnelle implique qu’on ne puisse transposer directement ses résultats à des prises de décision médicale car une maladie affecte non seulement la santé d’un individu mais aussi sa richesse via le recours aux soins. Afin de remédier à cette limite, nous examinons, dans la première partie de cette thèse, la relation entre la médecine curative et l’activité préventive, et ce, en utilisant une fonction d’utilité bi variée qui dépend à la fois de la richesse et de la santé. Nous montrons que la relation entre les soins dépend essentiellement de l’utilité marginale de la richesse en fonction de l’état de santé. Nous remarquons que la prévention secondaire optimale dépend essentiellement de la prudence et de l’impact de la prévention secondaire sur l’état de santé.

Nous montrons que les principaux déterminants du choix de financement des soins par le régulateur sont le degré de l’aversion vis-à-vis du risque de richesse de l’assuré, la relation entre les activités médicales et la nature du risque de santé.

Si la littérature en économie de la prévention fait état d’un grand nombre de travaux et d’applications sur la prévention, l’hypothèse la plus communément admise est que l’individu peut recourir uniquement à la prévention primaire et secondaire. Or cette hypothèse est restrictive car elle néglige la prévention tertiaire. D’autre part, une large littérature en économie de la santé examine les choix de santé en utilisant un modèle mono-périodique et en se basant sur la théorie de l’espérance d’utilité. En réponse à ces limites, nous étudions, dans la deuxième partie de cette thèse, la prévention tertiaire, et ce, en utilisant un modèle inter temporel sous la théorie duale de risque. Nous montrons, d’une part, que la prévention tertiaire et la médecine curative sont deux soins complémentaires et d’autre part, que le choix préventif tertiaire optimalest insensible à l’activité préventive primaire. Par contre, l’effort préventif primaire optimal réagit au niveau retenu pour la prévention tertiaire. Nous montrons, également, que l’augmentation du degré de pessimisme n’a aucun effet sur la prévention tertiaire pour un niveau de soins curatifs constant. Cependant, l’impact de l’augmentation du degré de pessimisme sur la prévention primaire, pour un niveau de soins préventifs tertiaire constant, dépend de la probabilité d’occurrence de la maladie.

La littérature en économie de l’assurance a été fortement influencée par trois célèbres propositions. La première proposition est le principe de Bernoulli qui suggère qu’un agent risquephobe choisit une couverture complète si la prime d’assurance est actuarielle. La deuxième est la proposition de Mossin-Smith (1968) qui suggère qu’un agent risquephobe choisit une couverture partielle si la prime d’assurance est chargée. La dernière proposition est le théorème d’Arrow (1963). Ce dernier montre qu’un individu risquephobe préférera systématiquement un contrat de franchise plutôt qu’un contrat de coassurance. Cependant, ces trois propositions reposent sur deux hypothèses restrictives. D’une part, elles ne conservent leur validité que dans un cadre limité où il y a une seule source d’incertitude. D’autre part, l’objectif du décideur est représenté par une fonction d’utilité unidimentionnelle. Nous amendons, au début de la dernière partie de cette thèse, ces trois célèbres propositions. Nous utilisons pour cela une fonction d’utilité bi variée qui dépend à la fois de la richesse et de la santépour représenter les préférences d’un agent. Ce dernier fait face à un risque de santé et un risque non assurable. Pour ce deuxième risque, il peut s’agir d’un risque de perte de revenu consécutive à une baisse de l’activité pour un entrepreneur individuel ou à un risque d’accident. Nous montrons que l’attention que portent les assurés à leur état de santé peut les inciter à choisir une couverture complète contre le risque de santé même si la prime d’assurance est chargée ainsi il est difficile de transposer directement les résultats traditionnels de l’économie de l’assurance à l’analyse des marchés d’assurance maladie. Nous examinons, à la fin de la dernière partie de cette thèse, l’impact de l’introduction d’un risque non pécuniaire sur le coût du risque de santé. Nous montrons que l’existence du risque non pécuniaire peut jouer le rôle de couverture contre le risque de santé.

Dans une perspective théorique, notre thèse a cherché à montrer que les économistes pouvaient offrir une contribution aux acteurs de la santé sur l’intérêt de la prévention. Notre recherche pourra, d’une part, servir de base de réflexion dans la détermination de l’indemnisation optimale à accorder aux assurées contre un risque de santé et, d’autre part, contribuer à une allocation optimale du budget de l’état, destiné à promouvoir la santé publique, entre la médecine curative et préventive.