2) Les attendus scolaires lors de la scolarité élémentaire des enquêtés

Contrairement à la période historique évoquée précédemment, les écoles primaires n’accueillent aujourd’hui plus seulement les enfants des familles populaires mais aussi les enfants des classes favorisées. De ce point de vue, la prise en charge étatique de l’éducation se veut et est effectivement forte et plus largement diffusée. Quel que soit leur milieu d’origine, un plus grand nombre d’enfants est soumis à un traitement collectif (vs relation duelle) d’une éducation qui repose sur un programme ou des objectifs communs, et ce, potentiellement dès l’école maternelle qui n’est toutefois pas obligatoire. Le recensement INSEE de 1999 note que 81.5 % des enfants de 3 à 6 ans sont effectivement scolarisés en maternelle (ouverte aux enfants dès deux ans) ce qui témoigne de l’efficacité – au moins quantitative – de la prise en charge étatique de l’éducation.

Dans le même temps, la familiarisation avec la lecture dans les établissements primaires s’est rapprochée de la progression des apprentissages que connaissaient les enfants des classes favorisées : pour tous les enfants, la familiarisation avec la culture écrite est précoce ; comme A.-M. Chartier le mentionnait, elle passe notamment par la manipulation d’imprimés. Les Instructions officielles de 1985 décrivent ainsi, dans un bel optimisme, la genèse linéaire et apparemment nécessaire non seulement des compétences lectorales, mais encore, plus étonnant, du goût et du besoin de lire :

‘« Les activités de l’école maternelle concourent à préparer l’enseignement de l’école élémentaire, même si elles en paraissent éloignées, et les apprentissages commencent très tôt. Par exemple, en ce qui concerne l’écrit, de nombreuses activités de l’école maternelle amorcent le travail du cours préparatoire. Ainsi, des activités qui développent la finesse des perceptions (ouïe, vue) et des gestes, le sens de l’espace et du rythme, la découverte des symboles et des codes. Ainsi, des activités qui familiarisent avec l’univers des textes manuscrits ou imprimés : feuilleter, regarder, compulser, découvrir qu’à côté des images il y a des textes, qui signifient quelque chose que comprennent ceux qui ‘‘savent lire’’, s’intéresser à tout ce qui est écrit (livres, journaux, bandes dessinées, étiquettes, emballages, lettres, publicités).Toutes ces activités font que progressivement l’enfant ressent le besoin de s’approprier les compétences et de reconnaître des fragments d’écrits (mots ou groupes de mots), et cherche à les comprendre, à leur donner un sens. Alors naît et s’affirme l’envie d’apprendre à lire, ce qui sera le travail du cours préparatoire, cet apprentissage étant perçu dès lors comme le moyen de devenir plus grand, par l’acquisition déjà amorcée d’un nouveau savoir. »
« Pour beaucoup d’enfants, l’écrit n’est pas une réalité familière. Il appartient à l’école, dès la maternelle, d’entourer l’élève de livres et de textes, de lui donner le spectacle d’un maître lecteur. » 236

Les Instructions pour l’école élémentaire invitent les maîtres à considérer que « tous les enfants peuvent apprendre à lire, et doivent savoir lire. » Les objectifs visés sontl’acquisition de la lecture compréhension et de la lecture silencieuse (et aussi d’une lecture orale expressive). Cet enseignement est progressif et suit les différentes classes de l’école élémentaire 237 . Au CP revient la maîtrise de la combinatoire (reconnaissance lettres et sons), présentée comme une étape « nécessaire » et considérée comme un moyen au service de la compréhension. Son apprentissage doit passer par la réalisation d’exercices spécifiques et systématiques. Mais la compréhension apparaît bien comme la fin ultime de la lecture 238  et ce, dès les premiers pas dans l’activité : la combinatoire « n’a de valeur qu’associée à la compréhension de l’idée exprimée, à la perception de la structure de la phrase, à l’intelligence du sens des mots. » 239 Durant les cours élémentaires, c’est « la consolidation et la continuation de la lecture orale » qui est réclamée, ainsi que l’apprentissage « systématique de la lecture silencieuse ». Durant les cours moyens, plusieurs objectifs sont fixés :

‘« Augmentation de la rapidité de la lecture silencieuse ; amélioration de la compréhension.
Diversification des modes de lecture, selon les buts proposés.
Organisation de moments et de lieux spécifiques de lecture. » 240

Ainsi, le discours officiel sur l’évolution des enseignements de la lecture explicite et fixe la forme scolaire de transmission des savoirs et savoir-faire : celle-ci repose sur la décomposition des savoirs et leur acquisition progressive, sous forme de routines, par la réalisation d’exercices systématiques 241 .

Le déchiffrage (qui associe des sons à des mots écrits), décryptant la langue objectivée à l’écrit, est appréhendé comme devant s’automatiser à force d’entraînement et d’exercices pour permettre plus tard à l’individu de ne plus concentrer les efforts sur cette activité mais sur la compréhension du sens du texte 242 . La transformation de cette première activité en routines, en sens pratique de la lecture-déchiffrage, doit rendre possible l’exercice d’autres activités de liens entre signifiants et signifiés ou référents, la compréhension 243 . Celle-ci doit reconduire des savoirs et savoir-faire exercés s’appuyant sur d’autres langages que l’écrit. En effet, les Instructions officielles recommandent une initiation à la compréhension de textes avant même la maîtrise du code par les élèves. Elles incitent à développer l’intelligence des situations, des propos, etc. et à familiariser les enfants avec les produits de la culture écrite ou orale à l’occasion d’activités réalisées à partir de divers matériaux (histoires racontées, chantées, mises en images, etc.). Dès l’école maternelle, la compréhension doit s’appuyer en effet sur différents éléments d’une situation d’interaction : les propos échangés mais aussi l’intonation, les gestes, les déplacements du corps, les mimiques, les éléments immédiats de la situation, les références partagées par les interlocuteurs. Elle renvoie aux expériences qu’ont les élèves du monde plutôt qu’aux savoirs de la langue écrite (qu’il s’agisse de la phonologie, de la grammaire, de la conjugaison, etc.). Ce n’est qu’ensuite que les élèves apprennent à réaliser et reconduire ce cheminement à partir de textes écrits et lus silencieusement, une fois la lecture-déchiffrage maîtrisée. On observe une semblable progression quant aux procédures d’évaluation et de vérification de la compréhension des textes et leur recours à l’écrit : d’abord vérifiée par une mise en mots de ces derniers et en situation d’interaction (entre élèves, entre élèves et enseignant), elle s’évalue ensuite à partir d’écrits produits dans une situation qui s’apparente à un monologue 244 .

Dans les Instructions Officielles de 1985, « la pratique de la langue écrite » (lecture, écriture, expression écrite) est distinguée de deux types d’activités que l’on nomme par la suite « activités scolaires traditionnelles » : « l’étude de la langue » (orthographe, grammaire, vocabulaire) et « l’usage poétique de la langue » (mémorisation et récitation de poème). A l’inverse, les Instructions Officielles de 1995 mettent en place l’observation réfléchie de la langue et misent moins sur les exercices systématiques que sur l’observation de la langue dite « en situation », c’est-à-dire sur les textes lus en lecture cursive, etc.

Dans les Instructions Officielles de 1985, les maîtres sont invités à mettre à disposition des enfants des imprimés divers mais aussi les « meilleures œuvres accessibles à la jeunesse, dans un but d’initiation à la qualité littéraire » 245 . Il leur est recommandé d’« exploiter » le fonds des bibliothèques et de familiariser leurs élèves à ces lieux (bibliothèque de classe, BCD, bibliothèque municipale ou de quartier). Ils doivent pourvoir « les débutants d’un premier fonds, qu’ils accroîtront ensuite d’eux-mêmes, à mesure qu’ils étendront leurs connaissances et leurs goûts. » 246 Si dès 1985, il est énoncé que toutes les disciplines sont occasions de lecture, il reste que la visibilité et la reconnaissance des lectures autres que littéraires est moins forte qu’elle ne l’est à partir de 1995.

Ainsi, la lecture enseignée scolairement, la lecture légitime dessinée dans les Instructions officielles de 1985 (avec laquelle les enquêtés ont été familiarisés au sein de l’institution scolaire), se caractérise par ses modalités de réalisation et d’approvisionnement, par ses fonctions et motifs d’action (l’envie, le plaisir, le besoin). Elle est individuelle et silencieuse ; elle s’effectue en des lieux et des moments réservés à la pratique. Elle permet au lecteur de s’emparer de textes de qualité qu’il a appris à rechercher en même temps que de « textes courants de la pratique quotidienne » ; elle est réalisée pour satisfaire des goûts, atteindre des objectifs et acquérir des connaissances à partir de connaissances et de goûts déjà constitués. Elle suppose un lecteur ayant un rapport intentionnel à ses pratiques (susceptible d’identifier ce dont il a besoin et envie), ayant appris à circonscrire ses actions dans le temps et dans l’espace et à les adapter et moduler selon les objectifs suivis. La lecture enseignée doit se glisser dans un rapport rationnel et autocontraint aux activités qui caractérise plus généralement les produits de la socialisation scolaire 247 et qui vaut comme rapport légitime aux pratiques et au monde dans une société « spécialisée » 248 , à forte division du travail social.

Les objectifs fixés dans les Instructions officielles ne trouvent pas toujours les moyens de se réaliser. En ce qui concerne les bibliothèques centres de documentation (BCD) par exemple, il faut rappeler que si on envisage de doter chaque école d’une bibliothèque depuis 1972-73, « chaque nouvelle construction dev[ant] prévoir une salle spéciale à cet effet » 249 , les premières BCD paraissent en 1976 comme le « manifeste » de l’Association pour le Développement des Activités Culturelles dans ces Etablissements Scolaires qui en décrit les contours et l’intérêt ; l’objectif de généralisation ne date que de 1984 et ne sera atteint que plusieurs années après 250 . Au départ, « aucun crédit de fonctionnement n’est prévu, ni un seul moyen spécifique en terme d’enseignant détaché sur site » 251 . Le recrutement d’emplois-jeunes au sein des établissements scolaires élémentaires, durant les années 1990, a permis parfois que les BCD aient leur propre personnel. Mais quand les enquêtés fréquentaient les écoles primaires, les BCD recouvraient des réalités bien différentes selon les établissements scolaires. Par ailleurs, le classement ZEP ou non des établissements scolaires fréquentés, les politiques menées par les collectivités territoriales (soutien ou non aux actions scolaires, à des partenariats entre école et autres secteurs culturels : bibliothèques et autres intervenants extérieurs – écrivains, conteurs... –) ont également pu contribuer à faire varier les conditions matérielles de familiarisation avec les imprimés pour les enquêtés : du point de vue des imprimés susceptibles d’être mis à disposition des élèves, de l’organisation des enseignements, de la part accordée aux activités collectives par rapport aux activités individuelles, etc. 252 Enfin, les styles pédagogiques des enseignants fréquentés ont également pu infléchir ou moduler les objectifs de l’enseignement lectoral scolaire.

Les obstacles possibles à la réalisation des objectifs officiels n’entament pas la légitimité de cette lecture, qui repose aussi sur le fait que l’éducation dispensée au sein de l’institution scolaire occupe un statut dominant socialement et doit s’imposer aux parents. C’est ce qu’explicite J.-P. Chevènement, dans la préface des Instructions officielles de 1985 dans une perspective de lutte contre les inégalités scolaires. En plus de définir ce que doit être l’enseignement du futur citoyen, le ministre de l’Education nationale de l’époque présente les Programmes et Instructions comme une aide et un outil mis à disposition de parents enjoints de participer à l’efficacité de l’enseignement scolaire :

‘« les parents doivent savoir ce qu’on attend de leurs enfants à l’école. Trop souvent, les parents l’ignorent. Ils ont le sentiment que l’école, la classe, constituent un monde qui leur est étranger, un monde opaque dont ils perçoivent mal les règles et les finalités. Avec cette publication, ils pourront savoir ce que leurs enfants doivent apprendre dans chaque cycle de l’école élémentaire [...]
les programmes scolaires, dès lors qu’ils sont connus, sont un trait d’union entre les parents et les instituteurs. Sachant les objectifs que les élèves doivent atteindre et les connaissances qu’ils doivent acquérir, les parents pourront apprécier les progrès de leurs enfants et, le cas échéant, contribuer, par leur aide, à l’action éducative des maîtres. » 253

La loi d’orientation de 1989, qui reconnaît les parents membres de la communauté éducative, ainsi que les diverses modifications ultérieures des Programmes et Instructions explicitent davantage l’idée d’une « co-éducation qu’école et famille ne doivent cesser de construire. » 254 Dans un double mouvement, celle-ci veut rendre attentifs les enseignants à la diversité des publics qu’ils accueillent tout en obligeant les parents et familles. C’est ce que soulignait D. Thin lorsqu’il analysait l’ouverture de l’école aux parents (mais aussi aux travailleurs sociaux, etc.) comme indicateur et moyen de la domination du mode scolaire de socialisation plutôt que comme un affaiblissement de ce dernier :

‘« L’école s’ouvre aussi, dit-on, aux parents. Là encore, comment ne pas voir que les parents les plus présents dans les écoles, s’exprimant sur des questions pédagogiques, sont d’abord des parents ayant un capital scolaire important et dont les pratiques socialisatrices n’entrent pas en contradiction, au contraire, avec le mode scolaire de socialisation ? 
Quant à l’‘‘ouverture’’ aux familles les plus populaires, tout montre qu’elle a pour objectif de tenter de contourner des résistances à la scolarisation. Il s’agit, en ayant des contacts plus étroits avec les parents, de transformer leurs pratiques socialisatrices afin qu’elles soient plus conformes aux attentes de l’école et que soient réunies les conditions d’une scolarisation plus efficace des enfants. » 255

Les familles sont invitées à accompagner la familiarisation avec la lecture, comme les autres enseignements scolaires, dans les formes et modalités souhaitées par l’institution scolaire. Implicites dans les Instructions officielles de 1985, les conseils donnés aux parents en matière de lecture sont clairs dans un Bulletin officiel hors série de 2002. Celui-ci suggère même des modalités d’accompagnement des lectures enfantines par des parents non lecteurs :

‘« Il importe que les œuvres rencontrées soient nombreuses et variées. Les lectures en classe doivent être complétées par des lectures personnelles dans la BCD [bibliothèque centre de documentation] ou au domicile familial. L’emprunt à la BCD ou dans la bibliothèque de quartier doit devenir une habitude et un besoin. Les enseignants expliquent aux parents le rôle de médiateur qu’ils peuvent eux aussi jouer entre le livre et l’enfant. Si [les parents] hésitent à lire à haute voix, il leur reste possible d’explorer les illustrations et d’engager le débat à leur propos. L’essentiel est que l’enfant découvre qu’une œuvre peut être prise dans de multiples horizons d’interprétations, reliée à des références culturelles variées, partagée avec ses camarades autant qu’avec sa famille ou le maître. » 256

Ainsi en plus de définir la manière dont elle encadre la familiarisation avec la lecture, l’institution scolaire suppose plus ou moins explicitement ses attendus en matière d’encadrement familial de cette familiarisation, et esquisse un idéal normatif des relations entre institution scolaire et famille en matière de familiarisation avec la lecture individuelle d’histoires : au sein de ces deux contextes, l’enfant serait invité à lire et manipuler des imprimés supposés adaptés à ses besoins qu’il emprunterait à la BCD ou trouverait chez lui. Parallèlement, l’institution scolaire permettrait progressivement l’acquisition des compétences individuelles nécessaires à la compréhension des narrations et à leur déchiffrage. Les modalités d’incitation à la lecture et leurs contenus étant proches au sein des différents contextes, l’enfant apprendrait à se soumettre en matière de lecture à des contraintes contextuelles proches, redondantes ou complémentaires. Un des objectifs de ce chapitre sera de montrer les conditions sociales de possibilité d’une telle configuration de familiarisation avec la lecture, ainsi que les conditions sociales de son impossibilité et les autres configurations existantes de familiarisation avec la lecture.

Pour préparer la reconstruction des familiarisations avec la lecture des enquêtés, il convient donc à présent d’appréhender l’encadrement familial de celle-ci et ses relations avec les exigences officielles.

Notes
236.

Ministère de l’Education nationale, Ecole élémentaire. Programmes et instructions, Paris, CNDP, 1985, p. 97-98, et p. 24, p. 25 pour la citation suivante.

237.

Depuis 1990, l’enseignement primaire s’organise en trois cycles pédagogiques : le cycle des apprentissages premiers, celui des apprentissages fondamentaux et celui des approfondissements. Le cycle des apprentissages fondamentaux est à cheval sur l’école maternelle et l’école élémentaire.

238.

L’objectif de l’enseignement de la lecture compréhension est récent. Ainsi, J. Hébrard écrit : « depuis 1923, pour l’enseignement primaire, la lecture avait été définie comme un exercice relativement simple. Une fois l’apprentissage du déchiffrage construit, on entraînerait les enfants à bien ‘‘dire’’ des textes largement expliqués auparavant par le maître. La mise de ton, le rythme de la voix, la rigueur de la prononciation étaient les critères qui désignaient la bonne lecture. Jamais, à l’école primaire, un enfant n’était confronté à travailler seul face à un texte, à en user comme d’un point de départ pour un autre exercice (étude d’une leçon dans un manuel, par exemple) ou comme une consigne complexe que l’on doit apprendre à lire sans aide pour la résoudre (problèmes à énoncés longs). Au contraire, à l’école primaire, un maître qui n’aurait pas expliqué verbalement chacune des consignes, chacune des leçons données à lire, aurait été considéré comme un instituteur peu consciencieux. De même, dans la lecture primaire, il n’était jamais nécessaire de construire la compréhension d’un texte en croisant des références issues d’autres lectures. La seule exigence qui s’y manifestait jusqu’au certificat d’études était celle d’un travail fondé sur l’élucidation littérale des textes (l’explication des mots) et sur leur signification pragmatique (la morale de la fable, la leçon du morceau choisi, les conséquences pratiques de la leçon de choses). », J. Hébrard, « L’invention de l’illettrisme dans les pays alphabétisés : le cas de la France », in J.-M. Privat et Y. Reuter (dir.), Lectures et médiations culturelles, Actes du Colloque de Villeurbanne, Lyon, 1991, p. 25.

239.

Ministère de l’Education nationale, Ecole élémentaire..., op. cit., p. 24.

240.

Ministère de l’Education nationale, Ecole élémentaire..., op. cit., p. 34.

241.

G. Vincent, B. Lahire, D. Thin, « Sur l’histoire et la théorie de la forme scolaire », op. cit. G. Delbos et P. Jorion stylisent ainsi l’enseignement scolaire par opposition à la transmission familiale du métier de paludier au « savoir de la pratique », G. Delbos et P. Jorion, La Transmission des savoirs, op. cit., p. 128. En montrant que l’appropriation rythmique des mouvements de danse dans la « logique de la discipline » suit une évolution semblable, S. Faure souligne que ce ne sont pas les savoir-faire corporels en soi qui son exclusifs d’une telle forme d’enseignement, S. Faure, Apprendre par corps, op. cit., p. 136-137.

242.

Cette conception apparaît dans le Bulletin officiel de l’Education nationale hors série n° 1 du 14 février 2002, p. 4-5. Dans les programmes pour le cycle des apprentissages fondamentaux, il est écrit : « Apprendre à lire, c’est apprendre à mettre en jeu en même temps deux activités très différentes : celle qui conduit à identifier des mots écrits, celle qui conduit à comprendre la signification dans le contexte verbal (textes) et non verbal (supports des textes, situation de communication) qui est le leur. La première activité, seule, est spécifique de la lecture. La seconde n’est pas très dissemblable de celle qui porte sur le langage oral, même si les conditions de communication à l’écrit diffèrent [...] Chez le lecteur confirmé, les deux activités sont presque simultanées. La première s’est automatisée, libérant toutes les ressources intellectuelles pour la seconde qui peut bénéficier d’une attention soutenue. Chez le lecteur débutant, l’identification des mots est encore peu efficace [...] La compréhension reste difficile et doit être fortement soutenue [...] ce n’est qu’en rendant plus efficace l’identification des mots que l’apprenti lecteur parvient en fin de cycle à une première autonomie. »

243.

B. Lahire, Culture écrite et inégalités scolaires, op. cit., notamment le chapitre 3, p. 79-125. L’analyse proposée de l’enseignement du lire-écrire à l’école primaire reste pertinente malgré des modifications du système scolaire (organisation de l’enseignement en trois cycles, diminution des redoublements, incitation au décloisonnement et aux activités entre pairs, etc.).

244.

S’inspirant de M. Bakhtine, B. Lahire invite à appréhender les situations de productions écrites des élèves comme des situations de quasi-monologues : « lorsqu’il écrit un texte, l’élève se trouve dans la position de celui qui doit produire une construction formelle sans interlocuteur immédiat et pour un interlocuteur futur qui ne disposera que de cette construction formelle. », B. Lahire, Culture écrite et inégalités scolaires, op. cit., p. 124.

245.

Le BO de 2002 précise que les œuvres pour la jeunesse de qualité littéraire se trouvent à la fois parmi les classiques et parmi la production contemporaine (une liste indicative est par ailleurs mise à disposition des enseignants) : « Le programme de littérature de cycle 3 vise à donner à chaque élève un répertoire de références appropriées à son âge et puisées dans la littérature de jeunesse, qu’il s’agisse de son riche patrimoine ou de la production toujours renouvelée qui la caractérise. Il permet ainsi que se constitue une culture commune susceptible d’être partagée, y compris entre générations. [...] Des ‘‘classiques de l’enfance’’ souvent réédités et qui constituent un patrimoine se transmettant de génération en génération, [...] des œuvres de la littérature jeunesse vivante [...] Chaque année, deux ‘‘classiques’’ doivent être lus et au moins huit ouvrages [...] de littérature jeunesse contemporaine. »

246.

Ministère de l’Education nationale, Ecole élémentaire..., op. cit., p. 24.

247.

G. Vincent, L’Ecole primaire française..., op. cit., et G. Vincent, B. Lahire, D. Thin, « Sur l’histoire et la théorie de la forme scolaire », op. cit., p. 11-48.

248.

Elle-même produit de la spécialisation des sociétés diversifiées (des professionnels de l’éducation ont en charge l’éducation), l’institution scolaire prépare les enfants à occuper une place particulière dans ces sociétés : « Au fur et à mesure que les sociétés se diversifient et se centralisent, qu’augmente la spécialisation et que se prolongent les filières sociales, la préparation nécessaire à l’exécution des tâches de l’adulte se prolonge et se complique également. Pendant toute une période qui ne cesse de se prolonger, les enfants et les jeunes restent coupés du cercle de vie des adultes. Ils vont à l’école puis font des études dans des universités, des écoles supérieures et autres instituts de préparation spécialement conçus pour les jeunes. », N. Elias, La Société des individus, op. cit., p. 171. Partie prenante en même temps qu’analyste de la constitution du système scolaire français sous la Troisième République, E. Durkheim exprime également que l’un des objectifs de la socialisation scolaire est la préparation des enfants à la société dans laquelle ils vont vivre, à la place qu’ils vont y occuper, E. Durkheim, Education et sociologie, Paris, rééd. PUF, 1999, p. 58-60.

249.

A.-M. Chartier et J. Hébrard, Discours sur la lecture (1880-2000), Paris, BPI-Centre Pompidou/Librairie Arthème Fayard, 2000, p. 201.

250.

T. Opillard, « Vers une nouvelle école élémentaire (Le premier document sur les BCD relu 20 ans après) », Les Actes de la lecture. Revue de l’AFL, n° 56, 1996.

251.

A. Lorant-Jolly, « Des espaces de transition : la BCD et le CDI », in P. Demougin et J.-F. Massol (coord.), Lecture privée et lecture scolaire. La question de la littérature à l’école, CRDP Grenoble, 1999, p. 73.

252.

B. Lahire note par exemple que les activités à plusieurs sont plus fréquentes dans les classes de perfectionnement observées que dans les autres. Or l’organisation individuelle ou collective des activités n’est pas sans répercussions sur l’intériorisation possible des compétences constituées. Les situations d’examen placent les élèves en situation d’activité individuelle. De fait, les enfants de classe de perfectionnement sont objectivement moins préparés à ces situations d’examen, B. Lahire, Culture écrite et inégalités scolaires, op. cit., p. 118.

253.

J.-P. Chevènement, « Préface », in Ministère de l’Education nationale, Ecole élémentaire..., op. cit., p. 7.

254.

Ministère de l’Education nationale, Bulletin officiel Hors série n°1 du 14 février 2002, p. 1.

255.

D. Thin, « Sur l’histoire et la théorie de la forme scolaire », op. cit., p. 46 ; cf. aussi D. Thin, Quartiers populaires. L’école et les familles, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1998, sur ce point, « Chapitre 8. Agir sur les familles populaires », p. 205-242.

256.

Ministère de l’Education nationale, Bulletin officiel Hors série n°1 du 14 février 2002, p. 4-5.