a. au centre des sociabilités : les BD, les magazines et parfois les récits

Les catégories de textes lues par les enquêtés sur sollicitations lectorales des pairs sont par ordre décroissant : les magazines (49 enquêtés), les bandes dessinées (39 enquêtés), la littérature ne figurant pas sur les listes de suggestion (28 enquêtés) et la littérature jeunesse (23 enquêtés). Pour les deux premières catégories de textes, ces sollicitations concernent autant les enfants de bacheliers que de non bacheliers ; à l’inverse l’écart se creuse en faveur des premiers pour la littérature ne figurant pas sur les listes de suggestion. La lecture de livres/récits est inégalement répartie socialement. Si l’institution scolaire parvient a minima à réduire les écarts en matière de lecture littéraire (classique, jeunesse ou ne figurant pas sur les listes de suggestion), en revanche les pairs, comme les adultes proches, contribuent à les creuser.

La seule identification du type d’imprimés ne suffit toutefois pas à caractériser les pratiques et sollicitations des pairs. La distinction de différents récits permet en effet de constater que, même s’ils sont peu nombreux, il y a autant d’enfants de bacheliers que de non bacheliers qui lisent de la littérature jeunesse figurant sur les listes de suggestion sur sollicitations des pairs. La légitimité que tire la littérature jeunesse de l’institution scolaire contribue sans doute à contrebalancer les effets des inégales sollicitations parentales selon leur niveau de diplôme et leurs pratiques de lecture d’une part, et les effets du traitement social des différentes catégories de textes d’autre part. Quelques enquêtés lecteurs s’échangent ou se recommandent les romans d’A. Begag, d’A. Christie, de J. R. R. Tolkien, de M. Higgins Clark ou de Joffo à la suite d’une découverte scolaire.

Par ailleurs, les lecteurs de magazines, de bandes dessinées et de littérature ne figurant pas sur les listes de suggestion sont aussi nombreux à avoir suivi les sollicitations de pairs que les sollicitations de lieux ou activités relais. Cette proximité numérique renvoie au fait que lieux et activités relais constituent en partie des conditions de possibilité des sollicitations amicales : les enquêtés y trouvent les imprimés recommandés par leurs pairs, non présents dans les bibliothèques familiales et qu’ils n’achètent pas.

La lecture de la littérature classique, des textes religieux, des ouvrages de référence et des journaux dépend pour un moins grand nombre d’enquêtés des sollicitations des pairs. Les différences selon le niveau de diplôme des parents ne concernent que les textes religieux : un plus grand nombre d’enquêtés de parents non bacheliers en ont lu en suivant les sollicitations des pairs.

Comme au sein de l’institution scolaire, une modalité dominante de sollicitations a cours entre pairs. Elle ne relève pas d’une logique de prescription mais d’une logique de communion (dont on a vu qu’elle n’était pas moins contraignante). Les sollicitations des pairs passent essentiellement par le biais de sociabilités lectorales telles qu’on a pu en dégager des variantes pour les adultes proches : les textes constituent des références communes ou sont le support d’activités communes entre pairs. Partant, les lectures effectuées par ce biais dépendent étroitement des lectures mêmes des pairs.