b. la variété possible des discours médiatiques sur les textes et les lectures

Soit parce que les lecteurs y ont été directement confrontés soit parce que leurs proches en ont été des intermédiaires, les discours médiatiques sur les lectures peuvent participer à la constitution des façons de lire et de dire les lectures.

En étudiant les prix du Livre Inter et de Elle, présentés comme voulant « assainir le système [de consécration littéraire] en le démocratisant » 610 , Sylvie Ducas-Spaës pointe certains discours médiatiques tenus sur la lecture. Elle met notamment en évidence la définition « de la littérature et de la lecture » qui, portée par les organisateurs comme par les lecteurs-jurés, sous-tend ces prix. C’est « une représentation convenue du ‘‘vrai lecteur’’, amoureux des livres depuis son plus jeune âge » susceptible d’endosser « l’autorité d’un vrai professionnel » mais n’ayant pas de droit de regard sur la sélection des livres en course et préférant « à la recherche formelle » « une production romanesque conforme aux représentations ordinaires de ‘‘la vie telle qu’elle est’’ ou du monde comme il va, favorisant l’identification à des personnages et l’adhésion à des intrigues que l’on comprend, auxquelles on croit ». Ces discours s’apparentent au modèle des lectures cursives de la littérature prônées au sein de l’institution scolaire : si l’accent est mis sur l’explicitation du ressenti et des expériences lectorales des lecteurs, ceux-ci sont conçus dans leur lien à des caractéristiques textuelles repérées.

En publiant des critiques plus ou moins développées de différents produits culturels – en particulier la littérature mais pas seulement : les films, les jeux vidéo, etc. –, les magazines (et les promotions au cours d’émissions audio-visuelles) peuvent également participer à la constitution de façons de lire et de dire les lectures c’est-à-dire les attentes et expériences lectorales. Ils donnent en effet à entendre et à lire des schèmes de perception et d’évaluation des produits culturels à partir de caractéristiques propres (techniques, stylistiques, etc.) ou à partir des effets escomptés et plus ou moins atteints 611 sous-jacents à des façons particulières de lire et de dire les lectures.

Notes
610.

S. Ducas-Spaës, « Prix littéraires créés par les médias. Pour une nouvelle voie d’accès à la consécration littéraire ? », Réseaux n°117, 2003, p. 49. Et pour les citations suivantes : p. 63 et 69.

611.

Les magazines peuvent orienter aussi les appropriations d’adaptations d’œuvres littéraires en proposant des discours qui insistent plus ou moins sur l’origine littéraire des œuvres, qui jouent ou non sur les logiques d’appropriation des œuvres par identification et qui les démultiplient à l’envie, cf. C. Détrez et F. Renard, « Démêler les fils des légitimités littéraires : le cas des adaptations littéraires », Compara(i)son. An International Journal of Comparative Literature, 2, 2002, p. 147-157. D. Pasquier constate par exemple les effets des magazines sur les mises en forme de la présentation de soi dans les courriers des lectrices à Hélène de Hélène et les garçons. Les lectrices se présentent par leur âge, leur prénom, leurs activités et hobbies, etc. comme Hélène et les différents personnages de la série, D. Pasquier, La culture des sentiments, op. cit., p. 10.