b. Evolutions sociales et redéfinition de l’enseignement de la lecture au cours des années 1960-80

A partir de la fin des années 1950, différentes transformations modifient la société française. D’abord, la production culturelle et sa diffusion évoluent. Cette dernière s’effectue notamment par l’intermédiaire des bibliothèques dont les professionnels, progressivement reconnus, sont porteurs d’une conception particulière de la lecture, différente de la conception scolaire – elle est articulée à celle d’un lecteur « autonome » dans ses intérêts et goûts lectoraux. Ensuite, les savoirs scientifiques et technologiques prennent le pas sur les savoirs littéraires : ils sont valorisés socialement et scolairement. Le système scolaire se transforme également, parallèlement à ses publics tant professoral (nouveaux concours, nouvelles disciplines universitaires, etc.) qu’écolier (augmentation des effectifs, unification de l’enseignement secondaire...).

Selon les historiens, ces transformations sociales ont constitué une situation socio-historique favorable à un retournement des ambitions scolaires affichées : l’école n’a plus pour objectif avoué de former à partir d’un corpus choisi et de méthodes spécifiques un citoyen sus­ceptible de se débrouiller une fois sorti de l’institution scolaire avec l’offre culturelle et politique qui lui est faite. Elle se donne en partie pour objectif de l’initier aux écrits et aux lectures qu’il sera amené à découvrir et à mettre en œuvre seul, ultérieurement. Les modalités extra-scolaires d’appréhension des textes semblent plus adéquates que les pratiques scolaires antérieures pour faire face au développement de la production culturelle. Les méthodes et le corpus littéraire traditionnels perdent en légitimité quant à leur capacité à former un citoyen libre et critique. Au sein de l’école, la conception de l’initiation à la réflexion évolue : c’est moins la lecture de littérature que l’on reproduit, dont on s’inspire et que l’on mémorise, etc., que l’expression orale et le recours à l’authenticité qui sont supposés propices au développement de la réflexion.