2) Les liens entre textes et façons de lire

Outre la délimitation des textes et des façons de lire enseignés, la définition de l’enseignement du français, de ses objectifs et finalités comme des pratiques pédagogiques, passe par celle des relations entre textes lus et façons de lire. Le fait que les interrogations et polémiques autour de l’enseignement du français abordent simultanément la question du corpus des textes étudiés en classe et celle des manières de lire enseignées en est un indicateur. C’était le cas par exemple dans les années 1970 comme le soulignent A.-M. Chartier et J. Hébrard : 

‘« Le débat concerne le corpus (que lire ? les classiques ou les modernes ? les œuvres complètes ou les morceaux choisis ? la littérature ou les savoirs scientifiques et techniques ? des livres ou le journal ?) ; mais il se double d’une interrogation concernant les manières de lire et donc d’apprendre à lire, qui ne cesse d’interférer de façon plus ou moins souterraine dans les polémiques » 1000

Enjeux pour la définition de l’enseignement, les relations entre textes lus et façons de lire sont construites socialement. C’est parce qu’il ne va pas de soi de s’attacher aux « techniques de fabrication des œuvres » lorsque l’on lit des œuvres particulièrement remarquées pour leur écriture littéraire que cette façon de lire doit être enseignée. Les façons de lire ne s’imposent pas par la seule force des textes. Autrement dit, comme l’efficacité idéologique des textes est circonstanciée (différents publics ont des appropriations différenciées des textes), l’efficacité stylistique des textes prête à caution : tous les lecteurs n’adhèrent pas aux valeurs présentes dans les textes qu’ils lisent, tous les lecteurs ne transforment pas en pratique ce qu’ils lisent, tous les lecteurs ne sont pas sensibles aux effets stylistiques intentionnels, tous les lecteurs n’analysent pas les textes littéraires d’une façon littéraire.

Cependant, pour l’enseignement actuel, les relations entre textes lus et façons de lire sont aujourd’hui stabilisées autour et par les savoirs littéraires et stylistiques. Dans les Instructions officielles comme dans les propos des enseignants interrogés, les façons de lire dépendent étroitement des textes. Elles doivent varier en fonction par exemple 1/ des caractéristiques littéraires des textes, (appartenant ou non au patrimoine littéraire, et aux textes de ‘‘bonne tenue’’ comportant des particularités littéraires), 2/ de leur genre, 3/ de leur format (extrait ou œuvre intégrale), etc.

Notes
1000.

A.-M. Chartier et J. Hébrard, Discours sur la lecture (1880-1980), op. cit., p. 314, on souligne.