IV. Une lecture médiatisée : la relation d’enseignement

La lecture dans le cadre scolaire se caractérise enfin par le fait d’être un objectif d’enseignement à part entière et de s’inscrire dans une relation d’enseignement qui place, entre le texte et l’élève-lecteur, l’enseignant. Comme le notent A.-M. Chartier et J. Hébrard, le rôle de ce dernier est conçu comme étant « celui d’un médiateur, pas d’un technicien : il doit constituer à la fois la relation au texte comme contact direct (procurant émotion, admiration, mais aussi réflexion, interrogation) et comme travail de la vérité (tous les savoirs de contexte, Lanson aidant, sont mobilisables) » 1011 . Le professeur occupe un rôle de médiateur non seulement dans la compréhension-interprétation des textes, mais aussi dans le choix des textes étudiés. Cette médiation du texte par l’enseignant se retrouve donc dans les différents aspects précédemment évoqués, qui caractérisent la lecture enseignée au lycée.

Par rapport au collège, la demande d’étude de texte se systématise en seconde. Les progressives acquisition et maîtrise de savoirs et savoir-faire par les élèves donnent à cette classe une position particulière dans l’enseignement de la lecture littéraire. Les enseignants interrogés estiment en effet qu’en première, les élèves mobilisent avec moins de difficulté savoirs et savoir-faire interprétatifs en abordant de nouveaux « objets d’études » (cf. Programme 1999). Pour madame E, l’attention aux procédés d’écriture ne pose plus de problèmes aux élèves de première :

‘« y a un gros... une grosse différence entre seconde et première. En première ils y arrivent très bien. En seconde, on a souvent l’impression qu’on n’arrive pas à faire rentrer cette notion de procédés [d’écriture] dans la... tête des élèves et en fait c’est un peu, c’est vrai que... jusqu’à la fin de l’année on bataille... ou en se disant ‘‘Oh là là, c’est loupé’’ Et puis quand on récupère les élèves l’année suivante, on se rend compte qu’en fait i z’ont... enregistré, mais qu’y a eu besoin... presque d’un décalage... Un truc qui a été digéré... pp’ » (Madame E)’

En seconde, la relation d’enseignement apparaît particulièrement aux élèves et aux enseignants comme une contrainte lectorale lycéenne : parce qu’elle encadre des activités nouvelles pour les savoirs et savoir-faire, ou dont l’encadrement est plus systématique. Les enseignants y enseignent les savoirs nécessaires à la production d’une interprétation des textes ainsi que la démarche à suivre. Ils veillent à ce que leurs élèves deviennent, non sans difficultés, les lecteurs-commentateurs attendus à l’épreuve du baccalauréat. Du point de vue des enseignants cependant, la distance au « couperet du baccalauréat » autorise certaines libertés professorales. Ainsi madame D propose à l’étude des extraits de texte plus longs que le format officiel pour l’épreuve orale.

Notes
1011.

A.-M. Chartier et J. Hébrard, Discours sur la lecture (1880-1980), op. cit., p. 343.