b. une appréhension participative de la littérature étudiée en réponse à des sollicitations encadrées

La variation des habitudes lectorales mises en œuvre selon les contextes est ponctuellement contrecarrée lorsque, suivant des contraintes/sollicitations lectorales contextuelles, les enquêtés mobilisent des habitudes lectorales participatives légitimes scolairement 1294 pour lire des textes relevant de la littérature – textes figurant ou non sur les listes de suggestion (à l’exclusion des bandes dessinées qu’aucun enseignant de l’enquête n’a donné à lire).

Comme précédemment, la non variation intra-individuelle de certaines habitudes lectorales selon les contextes découle moins du bon vouloir des enquêtés que de la rencontre de différents éléments :

  • des habitudes lectorales participatives antérieurement constituées ;
  • de la proximité des contraintes lectorales extra-scolaires et scolaires, liée aux caractéristiques de l’entourage des enquêtés et aux styles pédagogiques de leurs enseignants de français. Les uns comme les autres encadrent la mise en œuvre d’habitudes lectorales participatives sur la littérature ;
  • des conditions tant matérielles que culturelles favorables à la mobilisation d’habitudes lectorales répondant de manière attendue à ces sollicitations.

Ces différents éléments ne sont pas liés par des liens de causalité. Leur articulation étant nécessaire à la non variation intra-individuelle de certaines habitudes de lecture selon les contextes, on comprend que plus de la moitié des enquêtés ne soient pas concernés par celle-ci. Ainsi, quelques enquêtés lisent de la littérature hors école de façon participative mais n’ont pas ouvertement répondu à des demandes scolaires de lecture participative. Ne parvenant pas à suivre une recommandation lectorale scolaire ou à lire en dehors d’un encadrement conséquent, Sophie, Adeline et Stéphane n’ont pas lu ou pas terminé Rue cases-nègres pendant les grandes vacances précédant la rentrée en seconde. D’autres enquêtés, tels Franck, Maxime, Raoul, Habiba et Samia, lisent un peu de littérature hors école de façon participative mais, à la manière des cas lectoraux présentés au chapitre 8, ont apporté des réponses non attendues aux demandes professorales de lecture participative. Celles-ci ont été invalidés lorsqu’ils ont rendu compte, en contexte scolaire, de leur appréhension participative d’une œuvre. Presque tous les élèves de monsieur F interrogés s’efforcent de répondre aux exigences professorales d’une contextualisation de leurs habitudes lectorales et d’une mise en veille des appréhensions participatives des œuvres au sein des cours de français. Ils s’accommodent de l’absence de sollicitations lectorales réclamant la mise en œuvre de façons de lire participatives – à l’exception des retournements carnavalesques éphémères tournant en dérision les œuvres étudiées et le regard analytique 1295 . Enfin, différentes raisons amènent des enquêtés comme Nicolas, Benjamin, Tasmina, Malika ou Véronique à ne pas lire de littérature hors école : les uns n’ont jamais eu de telles lectures hors école, d’autres ont vu leurs soutiens et sollicitations aux lectures littéraires disparaître avec l’avancée en âge, d’autres se concentrent sur des obligations lectorales scolaires, etc. Le contexte scolaire est le seul à leur offrir, occasionnellement l’encadrement dont ils ont besoin pour mettre en œuvre des habitudes lectorales pragmatiques sur la littérature. La variation de leurs habitudes lectorales selon les contextes n’est pas contrebalancée, même ponctuellement.

En revanche, presque la moitié des enquêtés, ayant constitué au sein des cours de français collégiens ou ailleurs (cf. Partie I) des habitudes lectorales participatives, connaissent ponctuellement les conditions propices à une non variation de leurs habitudes lectorales selon les contextes.

Tableau 25 Enquêtés effectuant hors des cours de français des lectures participatives de littérature recommandée ou étudiée
  Parents bacheliers Parents non bacheliers
Filles Belinda
Clara
Edith
Eléonore
Elodie
Emilie
Esther
Gaëlle
Julie
Karine
Marie
Marie-Eve
Samantha
Séverine
Valérie
Vanessa
Peggy
Radia
Sylvia
 
38 16 /23 3 / 15
Garçons Arthur
Bastien
Bertrand
Didier
François
Léonardo
Marc
Matthieu
Maxence
Thierry
Bruno
Cédric
Salah
 
39 10 / 19 3 / 20
  26 6
Total 32

Présentons donc précisément chacun des éléments qui, articulé aux autres, contribue à la non variation intra-individuelle des appréhensions participatives de la littérature. Ces façons de lire extra-scolaires partageant des points communs avec certaines de celles étudiées précédemment (I.), on insistera surtout sur les sollicitations scolaires soutenant la mise en œuvre de ces façons de lire et leur appropriation par les enquêtés.

Notes
1294.

Des critères scolaires définissent on l’a vu l’univers des possibles des lectures participatives légitimes. Ces dernières s’articulent toujours avec des savoirs et savoir-faire analytiques : quand ce qui a plu correspond aux éléments narratifs qu’une appréhension analytique définit comme essentiels, ou correspond au pacte lectoral générique, etc. Pour les appréhensions participatives illégitimes, cf. II. 2. b.

1295.

Leurs comptes rendus des « lectures parallèles » (Gatsby le magnifique, Nouvelles histoires extraordinaires, Macbeth, Nouvelles de Saint Pétersbourg) sont évalués à l’aune d’une appréhension analytique, même si, en coulisse, ils peuvent les appréhender de façon pragmatique.