Penser l’objet : entre objectivité et subjectivité

Débutons donc par « l’objet » et plus précisément par son étymologie qui est pour le moins significative.Le mot « objet » vient du latin scolastique « objectum » ¹² , participe passé du verbe « objicere » de « ob » (devant) et « jacere » (jeter). « L’étymologie du mot objet (ce qui est placé devant) indique qu’il s’agit de ce que l’on vise, soit pour l’atteindre, soit pour le connaître. […] C’est d’abord par l’usage de nos sens que nous percevons des objets » ¹³ . L’existence de l’objet apparaît donc comme fortement liée à la présence du sujet et à sa faculté de perception ; le sujet fait usage de ses sens pour percevoir l’objet et ainsi le faire exister.

Que l’objet soit concret ou abstrait, la relation du sujet à cet objet est avant tout perceptive. Cette caractéristique fondamentale du rapport objet/sujet souligne d’une part le rôle capital du design des objets techniques et d’autre part, l’importance des représentations préexistantes à l’utilisation même d’un objet technique. Ce qu’on imagine d’un objet technique avant même de l’utiliser est essentiel dans la constitution et l’évolution de la relation du sujet avec cet objet. La dimension perceptive du rapport sujet/objet ne doit donc pas être négligée ; au contraire, elle doit être prise en compte dans toute réflexion sur les relations entre les hommes et les objets techniques.

Toutefois, cette nature perceptive du rapport aux objets ne doit pas nous faire oublier la matérialité des objets dont nous nous préoccupons. Dans l’expression « objet technique », la notion d’objet renvoie à l’objet concret ou matériel définit comme « chose solide ayant unité et indépendance et répondant à une certaine destination » ¹⁴ . Toutefois – et nous y reviendrons dans notre définition de l’objet technique – l’objet matériel n’est pas un simple assemblage de matière sans signification, ayant une existence autonome non problématique. J. Baudrillard, entre autres chercheurs, a montré que Le système des objets instaurait des significations.

C’est dans cette logique que nous appréhendons les objets matériels et donc indirectement les objets techniques, c’est-à-dire comme ayant une existence matérielle indépendante du sujet mais devenant singuliers et spécifiques dans une relation avec un sujet. Ainsi, nous parlerons dans les pages suivantes d’objet technique en tant que catégorie d’objets appréhendés selon leur technicité, et non de tel objet technique devenant spécifique dans une relation particulière avec un sujet.