Un choix de qualificatif non arbitraire
A partir de ce que nous venons d’expliciter, plusieurs questions peuvent se poser : pourquoi ne pas plutôt utiliser justement des adjectifs qualificatifs comme « nouveau » ou « moderne » ? Nous aurions pu, certes, employer les expressions « nouveaux objets techniques » ou « objets techniques modernes ». Toutefois ces deux qualificatifs sont tellement usités, galvaudés et empreints de jugements de valeur que nous avons décidé de les écarter et de leur préférer l’adjectif « contemporain ». Notre objectif est de sortir du « bluff technologique », pour reprendre les propos de J. Ellul, mais aussi et surtout de ne pas convoquer les images que justement nous souhaitons pouvoir appréhender.
- Utiliser l’adjectif « nouveau » revient à s’interroger sur ce qui fait qu’un objet technique est une nouveauté. Est-ce parce que son design change ? Est-ce parce qu’il possède une fonctionnalité qui n’était pas présente dans les modèles précédents ? G. Simondon nous est ici d’un grand secours pour comprendre ce qui d’un point vue commercial est désigné comme une nouveauté alors que d’un point de vue technique, c’est-à-dire au niveau du fonctionnement interne de l’objet, il n’en est rien. « L’évolution spécifique des objets techniques ne se fait pas de manière absolument continue, ni non plus de manière complètement discontinue ; elle comporte des paliers qui sont définis par le fait qu’ils réalisent des systèmes successifs de cohérence ; entre les paliers qui marquent une réorganisation structurale, une évolution de type continu peut exister ; elle est due à des perfectionnements de détail résultant de l’expérience de l’usage, et à la production de matières premières ou de dispositifs annexes mieux adaptés »
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. Ces propos montrent que l’impression de « révolution technique » perpétuelle, entretenue par les discours journalistiques et publicitaires, est un non-sens technique.
- Le qualificatif « moderne », pourtant synonyme de contemporain, a tendance à connoter le progrès. Son usage renvoie souvent à une vision progressiste de la technique et de la science.
Ainsi, l’adjectif contemporain nous semble plus neutre en termes d’évocation d’images et d’association d’idées.
Notes
34.
G. Simondon, op. cit., p. 27.