La dimension cognitive : véhiculer un savoir/faire connaître

Les discours d’accompagnement véhiculent aussi un savoir sur un objet technique, son usage, ses usagers. Toute mise en scène discursive des TIC permet, en effet, de les présenter et re-présenter. Elle informe au sens étymologique du terme 423 . Elle contribue ainsi à faire connaître cet objet technique. Précisons que notre propos ne consiste ici ni à évaluer ou critiquer ce savoir, ni à détailler les conclusions des théories de la connaissance. Contentons-nous sur ce point de rappeler la complexité des médiations à l’œuvre dans l’acte de connaissance 424 et les divergences théoriques 425 .

En outre, l’information véhiculée dans ces discours est par essence idéologique : « Comme la discursivité est définie à l’intérieur de l’idéologie, tout discours pris comme objet d’analyse entre ipso facto dans l’orbite du politique » 426 . Ainsi par exemple, l’analyse de discours faite par J.‑G. Lacroix 427 lui permet d’identifier les valeurs véhiculées dans les discours d’accompagnement de Vidéoway. Il montre notamment qu’elles sont un moyen de consolider les représentations sociales des innovations techniques. Autrement dit, les discours d’accompagnement construisent et véhiculent un savoir en fonction de leurs objectifs de communication et de leurs conditions de production (contexte socio-historique, intentions, genre de discours, instances de productions, etc.). Quant aux modalités de réception et d’interprétation de ces discours, elles sont aussi très variables 428 . Chaque usager, en tant que sujet, interprète un énoncé à sa façon – elle peut d’ailleurs s’éloigner de celle souhaitée par son (ses) auteur(s). L’interprétation dépend à la fois de l’histoire individuelle et collective du lecteur 429 /récepteur, de sa culture, du contexte de réception, etc. Toutefois, cette dernière remarque ne doit pas nous conduire à considérer qu’un texte peut supporter tous les sens ; il ne dit pas tout et n’importe quoi. Il existe des « limites à l’interprétation » 430 . Cette dernière est orientée. En effet, dans tout texte, il reste un fond commun, une signification globale partagée.

De surcroît, l’acquisition d’un savoir est un processus dynamique. En reprenant la métaphore de la bibliothèque de J.-M. Goulemot, nous considérons qu’une lecture, la réception d’un message s’effectue à partir d’une bibliothèque que le lecteur/récepteur construit et réalimente à chaque nouvelle lecture : « Tout autant que la bibliothèque travaille le livre offert, le texte lu travaille en retour la bibliothèque elle-même » 431 .

Notes
423.

Elles inscrivent dans une forme particulière.

424.

Voir Jean Ladrière, « Représentation et connaissance » Encyclopædia Universalis, 2005, [on line] [www.universalis-edu.com]

425.

Voir notamment les oppositions dans la conception de l’acte de connaissance entre le réalisme, l’idéalisme et la phénoménologie.

426.

Dominique Maingueneau, L’analyse du Discours, Paris, Hachette, 1997.

427.

J.-G. Lacroix, op. cit.

428.

Voir les théories de la réception. Sur les divergences entre ces théories voir l’introduction de P. Beaud au n° 68 de la revue Réseaux consacrée aux théories de la réception.

429.

Du fait de l’origine disciplinaire des études traitant de ces questions, la métaphore littéraire est prégnante. Le récepteur est donc souvent un lecteur plutôt qu’un auditeur ou un téléspectateur.

430.

Expression dérivée du titre d’un ouvrage d’U. Eco (Les limites de l’interprétation, 1992) où il écrit notamment : « D'aucuns se sont trop avancés sur le versant de l'initiative de l'interprète ; le problème aujourd'hui n'est pas de se compromettre en sens inverse... En somme, dire qu'un texte est potentiellement sans fin ne signifie pas que [tout] acte d'interprétation puisse avoir une fin heureuse » in Umberto Eco, Les limites de l’interprétation, Paris, Grasset, 1992.

431.

Jean-Marie Goulemot « De la lecture comme production de sens », in Roger Chartier (dir.) Pratiques de la lecture, (3ème éd.), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2003.