Une des propriétés majeures des publicités est de chercher à persuader, à convaincre, à susciter l’adhésion c’est-à-dire à agir sur le récepteur. Elles constituent indéniablement un acte illocutoire indirect 489 . Quoique particulièrement difficile, voire impossible à mesurer 490 , l’efficience publicitaire reste donc un des enjeux majeurs de ce genre discursif. Cette particularité induit le recours à des stratégies discursives formalisées. En d’autres termes, un ensemble d’outils, de méthodes, de recettes existent afin de rendre son discours le plus efficace possible. Par exemple, dans un de ses articles de vulgarisation 491 , G. Lugrin expose quatre phases principales à suivre pour espérer une efficacité publicitaire maximale (attirer l’attention, transmettre un message, persuader par la crédibilité, l’adhésion ou la sympathie, et signer). Lors de son élaboration, le message publicitaire semble donc soumis à un ensemble de règles, de lois, de formules d’efficacité.
De surcroît, dans cette volonté de persuader, la publicité recours à un ensemble de procédés d’argumentation qui a conduit les sémiologues à la rapprocher de la rhétorique. Reprenant les intuitions de R. Barthes, J. Durand souligne les corrélations entre la publicité et la rhétorique. « La rhétorique peut être définie, au moins sommairement, comme "l'art de la parole feinte". En littérature, depuis le romantisme, règne le culte du "naturel" et de la "sincérité". La publicité se présente au contraire comme artifice, outrance volontaire, schématisme rigide. Elle affiche ses conventions et le public entre dans le jeu, discernant clairement ce qui est vérité et ce qui est feinte » 492 . En effet, le discours publicitaire signifie autre chose que ce qu’il représente. Il joue sur la connotation, sur la fonction symbolique du langage. Cette remarque s’applique, à notre avis, à l’ensemble des publicités indépendamment de leurs supports. Le travail de J. Durand a d’ailleurs permis de repérer méthodiquement la présence de figures de rhétorique classiques 493 dans des images publicitaires fixes. Sa classification n’est certes pas valable pour les publicités audiovisuelles. Toutefois, les spots publicitaires restent un langage à intention persuasive. Ainsi, à notre avis, ils recourent aussi à des connotateurs et exploitent la fonction symbolique du langage audiovisuel. Ils cherchent ainsi à associer des signes, des valeurs aux objets.
De surcroît, les travaux de J. Baudrillard 494 nous enseignent que la force de la consommation repose justement sur cette dimension symbolique. L’individu consomme des signes, des images, plutôt que des produits 495 . Les spécialistes du marketing semblent d’ailleurs plus que conscients de cette particularité lorsqu’ils affirment que « le marketing s’intéresse au produit tel qu’il est perçu non tel qu’il est » 496 . En se référant explicitement à R. Barthes, ils soulignent que l’attraction d’un produit repose non seulement sur ce qu’il est objectivement mais également sur ce qu’il représente. Ils distinguent ainsi la valeur d’image (symbolique) d’un produit de sa valeur d’usage (fonctionnelle) et postulent l’importance de travailler sur ces deux valorisations 497 .
De surcroît, dans le contexte actuel de prolifération publicitaire et d’offre surabondante, la publicité cherche à surcharger symboliquement les produits. Elle exploite le pouvoir mythique des objets 498 . Elle ne se contente pas de les présenter. Elle les re-présente de manière à leur associer une symbolique. La logique de la réclame détaillant les qualités intrinsèques d’un produit ne suffit plus. J.-C. Soulages relève ce glissement dans le cadre des spots publicitaires : « Le message publicitaire, en quittant la forme figée de conseil prescriptif propre à la réclame, s'est immergé délibérément dans le récit. D'une certaine manière, il a glissé du mode argumentatif à un mode purement narratif ou contemplatif en prenant appui sur les potentialités médiagéniques du média » 499 . Ainsi, les spots publicitaires actuels jouent d’autant plus sur les associations imagées et idéologiques.
Dans la mesure où son but n’est pas explicité, les linguistes considèrent souvent que les publicités constituent un acte illocutoire indirect. Elles consistent, en effet, à faire acheter ou choisir sans expliciter leur but.
C. Leteinturier, « Publicité », Encyclopædia Universalis, 2005, [on line] [www.universalis-edu.com]
Gilles Lugrin, « Les chemins de la persuasion publicitaire », ComAnalysis, n° 80, décembre 2003.
Jacques Durand, « Rhétorique et image publicitaire », revue Communications, n° 15, 1970, pp. 70-95.
Les figures de rhétorique classiques classiques ressortissent d’abord à la littérature.
Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 1968, et du même auteurs, La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979.
J. Baudrillard, La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979.
J. Lendrevie, J. Lévy, D. Lindon., op. cit, p. 232.
Ibid., pp. 238-243.
In GRIPIC/CELSA, op. cit., p. 81.
In J.-C. Soulages, art. cit.