La publicité comme miroir social déformant

Toute publicité constitue une représentation dans la mesure où elle rend « sensible un objet ou un concept au moyen d’une image, d’une figure, d’un signe » 500 . Elle assure une fonction représentative et peut être appréhendée comme une archive. Les représentations qu’elle construit et véhicule s’inscrivent dans une époque 501 . Elles sont liées à ses imaginaires, ses valeurs, à son idéologie. La conception des publicités se nourrit du présent et de l’histoire. Elle s’appuie sur du déjà-là. En somme, « produit de la culture, la publicité en est également le miroir : elle reflète les normes, les croyances, les systèmes de valeurs » 502 .

Ajoutons toutefois que les images publicitaires ne correspondent pas exactement à la réalité d’une époque. Elles en sont une représentation. De fait, elles la transforment. Certes, l’analogie des images fixes et animées avec leur référent peut être trompeuse. Toutefois, elles restent une mise en scène. En d’autres termes, le miroir publicitaire est déformant. Cette déformation repose sur deux raisons principales. Premièrement, le propre de toute médiation, mise en discours ou traduction en langage est d’opérer une transformation 503 . Deuxièmement, les représentations véhiculées dépendent des conditions d’énonciation de ce genre discursif et notamment de ses objectifs de communication. Sa volonté de séduire conduit à représenter majoritairement un monde euphorique et désirable. « La publicité n’est pas le langage de l’évidence ni même du vrai, mais du désirable, de l’utopie, du désir en mouvement » 504 . Elle a une fonction cosmétique : elle embellit. En outre, sa volonté de toucher une large cible implique de diffuser des représentations accessibles et reconnaissables rapidement. Elle joue sur les stéréotypes. Elle est caricaturale. Tout en l’envisageant comme bénéfique à l’analyste, le GRIPIC relève cette particularité : « Soucieuse de produire des discours immédiatement compréhensibles par le plus grand nombre, la publicité s’avère […] une grande consommatrice de stéréotypes sociaux et culturels, dont elle constitue un inépuisable et vivant répertoire. A ce titre elle reste un excellent indicateur du riche halo symbolique qui entoure les objets quotidiens » 505 . Ainsi, analyser des publicités permet d’identifier les stéréotypes, les significations et les valeurs associés par les offreurs à un objet. Au lieu de critiquer ce discours 506 , il semble plus fécond de l’appréhender comme un miroir social déformant.

Notes
500.

« Représentation », Le nouveau petit Robert, Paris, dictionnaire Le petit Robert, 2001.

501.

De nombreux travaux ont été réalisés sur l’évolution des représentations publicitaires de certaines communautés parallèlement à l’évolution de leur place dans la société.

502.

B. Cathelat, op. cit., p. 103.

503.

Sur cette position, voir les travaux de B. Lamizet.

504.

B. Cathelat, op. cit., p. 103.

505.

In GRIPIC/CELSA, op. cit., p. 31.

506.

Le discours publicitaire fait l’objet de nombreuses critiques. Le nombre d’ouvrages dénonçant ce discours et la quantité d’institutions anti-pub en sont une illustration. Pour un exemple de critique du discours publicitaire, voir N. Klein, No logo, La tyrannie des marques, Arles, Actes Sud, 2001.