Par définition, le mode d’emploi 521 est un document technique dont l’objectif est de guider les actions à effecteur sur un appareil pour une utilisation considérée comme correcte et satisfaisante pour l’utilisateur 522 . Il est à la fois un produit et un service. Il est à la fois une description et une prescription.
Cela dit, les différentes classifications des genres de discours ou types de textes existantes, n’inscrivent pas les guides d’utilisation dans les mêmes catégories. Ils relèvent tantôt des discours techniques 523 tantôt des textes procéduraux 524 . Ils peuvent aussi être considérés comme un type discursif appartenant à une formation discursive plus vaste ou comme un genre à l’intérieur d’un type, etc. 525 Sans revenir sur les logiques et origines disciplinaires qui sous-tendent les tentatives de classification des discours 526 , nous considérons que les modes d’emploi des téléphones mobiles relèvent d’un genre discursif. En effet, ils ont un statut social et des conditions d’énonciation particulières qui jouent sur leur forme et leur contenu. Autrement dit, des récurrences formelles et discursives sont repérables dans ces documents techniques 527 .
Avant de présenter leurs spécificités linguistiques 528 , rappelons, à l’aide des travaux de D. Boullier 529 , les particularités de la catégorie d’écrits dont relèvent les modes d’emploi. Il est en effet possible de caractériser la rédaction technique en fonction des paramètres du message (émetteurs, récepteurs prioritaires, vecteurs, langue, visées). Cette caractérisation permet de l’opposer à d’autres types de rédaction notamment la rédaction commerciale. Ainsi, d’après cette modélisation, nous pouvons dire qu’un manuel d’utilisation est principalement réalisé par un rédacteur technique. Il est destiné en priorité à l’utilisateur du produit. Il a comme objectif principal le guidage des opérations pour une utilisation correcte et satisfaisante. C’est un écrit long qui sera lu à plusieurs moments et archivé. Il combine des signes linguistiques, iconiques et graphiques. La langue employée est standardisée et la terminologie précise afin d’éviter les ambiguïtés et les malentendus. Sa lecture consiste en un va et vient entre le document et l’appareil. Elle peut ne pas être linéaire (différentes entrées). Les dispositifs de navigation sont donc centraux dans ces manuels.
Des différences nettes apparaissent donc entre les deux types de rédaction qui nous préoccupent. La nature des paramètres communicationnels varie. Toutefois, nous avons vu que ces deux genres discursifs peuvent être rapprochés du fait de leur position de passerelle entre les concepteurs et les utilisateurs. Ainsi, dans une démarche analytique, ces deux discours peuvent être appréhendés suivant le même questionnement, mais ils ne doivent pas être étudiés à l’aide des mêmes outils. En effet, utiliser la même méthodologie d’analyse reviendrait à ne pas prendre en considération les spécificités de ces deux productions discursives qui jouent, pourtant, un rôle dans l’élaboration de la signification.
Il peut aussi être dénommé manuel d’utilisation, guide d’utilisateur, notices d’utilisation, etc.
Cette définition est issue de notes de D. Boullier. Nous tenons à remercier D. Boullier de la confiance qu’il nous a témoignée en nous envoyant plusieurs documents et en nous permettant de les consulter. Ils ont constitué une aide précieuse pour l’avancée de cette recherche.
Sur les classifications des discours suivant le type d’usage propre à une pratique sociale, voir François Rastier, Sens et textualité, Paris, Hachette, 1989.
Cette classification se base sur les propriétés linguistiques des textes (et non extralinguistiques). Voir Laurent Heurley, Traitement des textes procéduraux, thèse de doctorat de Psychologie, Dijon, 1994.
Voir Céline Paganelli, La recherche d’information dans des bases de documents techniques en texte intégral, étude de l’activité des utilisateurs, thèse de doctorat de SIC, Grenoble, Université Grenoble 3, 1997.
Voir sur ce point Patrick Charaudeau, D. Maingueneau (dir.), « Genre de discours », Dictionnaire d'analyse du discours, Seuil, Paris, 2002, pp. 277-280.
Voir C. Paganelli, op. cit.
Voir « Brève approche sémiolinguistique : spécificités formelles et discursives des modes d’emploi » pp. 167-175.
D. Boullier, Les types de rédaction, UTC, 1998.