Contraintes principales de production d’un mode d’emploi

A partir des écrits cherchant à améliorer l’efficacité des manuels d’utilisation, nous avons relevé quatre difficultés principales lors de l’élaboration d’un mode d’emploi : le délai, les compétences, l’opinion des utilisateurs, l’anticipation.

A l’instar d’I. Thaon, nous considérons que la réalisation d’un mode d’emploi de qualité prend du temps et réclame des savoirs et des savoir-faire 554 . L’importance des relectures et vérifications a déjà été évoquée précédemment. La valorisation des compétences de la part des sociétés spécialisées a aussi été indiquée. Or ces contraintes ne sont pas sans impact sur le coût de la réalisation. En d’autres termes, la conception d’un mode d’emploi d’un téléphone mobile a un coût pour un constructeur. Ce coût s’élève en fonction de l’importance qu’il accorde à la qualité de ce document dans sa stratégie de développement.

Une autre difficulté est induite par le jugement souvent défavorable que rencontre cette documentation 555 . Les qualificatifs des consommateurs ou les articles de presse sont rarement élogieux à l’égard des modes d’emploi. Il nous semble que cette particularité n’a pas pour effet de faciliter la tâche des rédacteurs. Réaliser un document qui sera consulté dans un environnement hostile nous semble complexifier le travail de conception/production.

Enfin, la dernière contrainte à évoquer, et non des moindres, est celle de l’anticipation. Un mode d’emploi réussi est un document qui anticipe les divers états des usagers ainsi que son cycle de vie.

Le concepteur/rédacteur se doit d’imaginer et de prendre en compte les différents états des utilisateurs et du document lui-même. Lors de la conception, il doit avoir conscience des diversités sociales d’usage, socio-linguistiques, de temps d’utilisation (initiation, perfectionnement, aide-mémoire, dépannage…) et de situation initiale 556 . Les conditions de réception d’un manuel d’utilisation sont particulières. Tous les utilisateurs de téléphones mobiles ne lisent pas intégralement les modes d’emploi. Souvent ce document est conservé, archivé et consulté lorsque le besoin s’en fait sentir. La lecture s’effectue donc à plusieurs moments, en fonction d’objectifs précis. La situation de réception du mode d’emploi est aussi particulière. La lecture consiste en un va-et-vient entre le document et l’objet technique. M. Akrich et D. Boullier préconisent la construction d’une représentation d’un utilisateur universel, à même de réduire et gommer la diversité des réalités des utilisateurs.

L’élaboration du mode d’emploi réclame aussi de connaître et d’anticiper le cycle de vie de la documentation. Les états futurs du document (réexploitation, mises à jour) doivent être pensés dès la phase de conception (choix de format, logique d’archivage...). Concevoir un mode d’emploi demande donc de se représenter le devenir de chaque exemplaire. De fait, nous pouvons supposer que ce document reflète cette anticipation.

Notes
554.

Voir I. Thaon, op. cit.

555.

Les écrits énonçant les lacunes et insuffisances des modes d’emploi sont fréquents : Edmond Weiss, « Usability : toward a science of user documentation », Computerworld, 1983, V17, n° 2, pp. 9-16. Daniel Gouadec Le traducteur, la traduction et l’entreprise, Afnor gestion, 1989. D. Boullier et M. Legrand (dir.), Les mots pour le faire : conception des modes d’emploi, Paris, Ed. Descartes, 1993.

556.

Voir M. Akrich et D. Boullier « Le mode d’emploi : genèse, forme et usage » in D. Chevallier (dir.) Savoir faire et pouvoir transmettre, Paris, Ed. de la Maison des Sciences de l’Homme, 1991.