2) La grille d’analyse des modes d’emploi

Afin d’analyser les modes d’emploi de téléphone mobile, nous avons aussi élaboré une grille comportant deux parties et quatre axes thématiques. Une des difficultés majeure pour sa construction a résidé dans la taille des documents à analyser. Un mode d’emploi de mobile comporte en moyenne entre 100 et 200 pages. De fait, une étude linguistique de la structure profonde n’était pas envisageable dans le temps imparti. De surcroît, au vude notre questionnement, elle n’était pas, à notre avis, indispensable.

Cela dit, suite à nos lectures 628 , une étude lexicale était nécessaire. Ainsi, nous nous sommes orientée vers les logiciels sémantiques de traitement automatique de données. Dans cet ensemble nous avons retenu le logiciel Tropes. Il permet, en effet, un repérage des connecteurs et des modalisations, deux catégories importantes pour notre analyse. Ce logiciel identifie aussi les verbes employés en tenant compte de leurs formes conjuguées. Par exemple, le verbe « appuyer » est repéré sous sa forme infinitive mais aussi à la deuxième personne du pluriel du présent de l’indicatif. Ce logiciel comptabilise ainsi l’ensemble des occurrences du verbe dans le document. Toutefois, consciente des limites des logiciels sémantiques de traitement automatique de données 629 , nous avons choisi de ne pas exploiter l’ensemble des potentialités de Tropes. Nous avons notamment décidé de ne pas intégrer l’analyse des univers de référence, des scénarios et des relations.

Ajoutons que ce logiciel fonctionne à partir d’une bibliothèque sémantique. Ainsi sachant qu’un mode d’emploi véhicule un univers sociolinguistique, relever les classifications « étranges » du logiciel est particulièrement intéressant. Par exemple, Tropes classe « PIN » dans l’ensemble conifère ou « couvercle » dans arts ménagers. De fait, nous avons décidé de ne pas modifier la configuration du logiciel. Relever en remarque ces classifications particulières nous semblait beaucoup plus pertinent. Faire évoluer la configuration de Tropes nous paraissait, de surcroît, en contradiction avec nos objectifs d’analyse (repérage des variants et des invariants).

Précisons aussi notre prudence à l’égard des données recueillies via ce logiciel. Lors de notre « remplissage » des grilles, une vérification des classements sera nécessaire. En d’autres termes, les résultats obtenus via le logiciel doivent être appréhendés avec précaution.

Enfin, une analyse lexicale n’est absolument pas suffisante pour répondre à notre questionnement. Ainsi, à l’aide des travaux de D. Boullier, nous avons choisi d’étudier la structure de chaque mode d’emploi, ses modalités d’énonciation et de présentation en fonction de nos objectifs de recherche. Les choix d’organisation des fonctions, les stratégies d’attribution de place notamment nous semblent refléter les représentations socio-techniques d’un mobile dans son mode d’emploi.

Pour une meilleure lisibilité, voici un exemplaire vierge de la grille d’analyse des modes d’emploi que nous avons construite.

Illustration 41. Grille d’analyse des modes d’emploi
Illustration 41. Grille d’analyse des modes d’emploi

L’exposition de ces grilles appelle tout de même quelques remarques. Comme toute grille d’analyse, les éléments étudiés et les angles d’analyse adoptés sont restrictifs. Elles dépendent de choix et s’appuient sur un ensemble de postulats. Ainsi certains éléments pertinents ne seront pas mis en évidence. Ces grilles comportent donc des limites. Cela dit, elles sont en adéquation avec nos objectifs de recherche ; elles peuvent apporter un ensemble de réponses à notre questionnement. Elles doivent nous permettre de dégager des pistes de réflexion. De fait, nous les considérons surtout comme permettant un travail d’analyse exploratoire.

Notes
628.

Voir « Les modes d’emploi des téléphones mobiles : des prescripteurs d’usage » pp. 158-180.

629.

Voir P. Marchand, L’analyse du discours assistée par ordinateur. Concepts, Méthodes, Outils, Paris, Armand Colin, 1998.