L’autre thème transversal relevé est celui qui gravite autour de la notion de « pouvoir » 675 . Dans les spots publicitaires de notre corpus, le mobile est souvent associé à cette thématique. L’étude de l’argumentaire publicitaire nous a permis de constater que le mobile pouvait être présenté comme un outil permettant de se libérer des contraintes de sa vie professionnelle et de fait de s’épanouir dans sa vie privée 676 . L’utilisateur grâce au mobile acquiert une forme de maîtrise sur le temps.
Le téléphone mobile est aussi régulièrement associé à l’idée de performance. L’objet technique peut lui-même être présenté comme un exploit technologique 677 . Soit la voix-off se fait l’écho de cette prouesse, soit les personnages qui ne possèdent pas le mobile promu, expriment par leurs gestes leur étonnement, curiosité, fascination envers le produit, et de fait envers le possesseur/utilisateur.
Ainsi l’usager représenté est mis en scène comme ayant un pouvoir d’attraction, de séduction sur son entourage. Les propriétés du mobile sont comme transférées à son possesseur et réciproquement. Les caractéristiques de l’objet technique sont plus qu’un prolongement de la personnalité de son utilisateur, elles en sont le reflet. Rappelons, par exemple, que dans les spots pour le Nokia 8210, la voix-off énonce explicitement cette relation métonymique entre l’objet et son possesseur. : « Nokia 8210 […] il vous va bien ».
De plus, dans les spots narratifs, la détention de l’objet promu a généralement un statut d’objet-modal relevant du « pouvoir-faire », permettant en plus de mettre en scène le « savoir-faire » de l’utilisateur. D’après la terminologie d’A.-J. Greimas, le mobile assure un rôle d’adjuvant ou de « compétence modale ».
De surcroît, nous avons pu relever que l’adjectif « séduisant » était employé par la voix-off pour qualifier le téléphone dans plusieurs spots de notre corpus. Le produit est donc présenté comme attirant voire, dans certains récits 678 , comme un objet de convoitise. Il est un objet de désir. Ce raisonnement n’est que peu étonnant dans le cadre d’une argumentation publicitaire. En revanche, la mise en scène de l’utilisation du téléphone mobile dans des situations exceptionnelles reste plus surprenante. Le portable est, en effet, mis en scène dans des contextes d’exploits sportifs 679 , d’événements incroyables 680 ou de situations héroïques 681 . Nous pouvons certes considérer qu’un spot publicitaire cherche à interpeller ses récepteurs, à retenir leur attention. Le caractère « fantasmé »de la situation peut donc être lié aux conditions d’énonciation du genre discursif 682 . Toutefois, cette mise en scène participe aussi, à notre avis, de l’analogie entre l’idée de performance exprimée par le contexte et l’objet technique promu. En outre, elle démontre, contrairement au point de vue de L. Henin 683 , que le contenu des films publicitaires de notre corpus ne va pas dans le sens d’une naturalisation de l’appareil. Ces spots ne tendent pas à naturaliser le contexte d’utilisation de l’objet promu. Si l’utilisation de l’objet est montrée comme facile donc naturelle, le téléphone promu est loin d’être associé à la banalité.
La notion de pouvoir est ici à comprendre comme un synonyme de puissance.
Voir spots Nokia 9210, Ericsson GH688
Voir spots Nokia 6600 et Nokia 8800
Spot du Motorola C330 et de l’Ericsson T28
Par exemple, un des spots pour le Nokia 3650 (Snow-board), l’objet permet de filmer un saut acrobatique en surf. Le spot du Nokia N90 met, quant à lui, en scène le saut périlleux d’un enfant sur un trampoline.
Dans différents spots, les utilisateurs se retrouvent nez à nez avec des animaux sauvages : ours, serpent, aigle (Nokia 7650, Sony Ericsson K750i ou Motorola Timeport serpent).
Dans le spot Sony Ericsson W800i, le spectateur est témoin d’une course poursuite utilisant les signes des films policiers (explosion, escalade d’escalier…).
Voir A. Goliot-Lété, F. Vanoye, op. cit.
Voir L. Henin, « Internet, des images aux usages, Analyse d’un corpus publicitaire », Actes du colloque BOGUES, Globalisme et pluralisme, Montréal, 24-27 avril 2002. Son point de vue est exposé dans ce manuscrit. Voir pp. 156-157.