Afin de permettre un comparatif diachronique plus précis, nous avons élaboré à partir de nos résultats d’analyse un tableau recensant les utilisations représentées et leur mode de représentation (« énoncés ou mis en images »). L’identification des utilisations représentées a été confrontée à deux difficultés. La première est celle de l’étiquetage. Comment intituler les utilisations identifiées ? Comment les catégoriser ? Afin de permettre une étude transversale, notre approche n’a pu être que normative. Nous avons employé les dénominations génériques. Tenter de répondre à chaque fois à la question « comment on s’en sert ? » a guidé notre travail d’identification. La deuxième difficulté est celle du degré d’implicite et de l’interprétation. Certaines représentations d’utilisations sont en effet moins explicites que d’autres. Par exemple, énoncer que l’objet technique promu est aussi « un fax » sous entend qu’il permet d’envoyer et recevoir des fax. L’analyste doit-il considérer que cet énoncé évoque une utilisation ? Ou doit-il considérer que l’utilisation n’est pas dénotée mais connotée et ne pas inventorier cet énoncé? Nous avons choisi de relever ces utilisations à condition de les répertorier telles qu’elles étaient énoncées. Voici un extrait des données obtenues 727 :
Date de diffusion | Modèles | Utilisations représentées | Modes de représentation | ||||||
11/1996 | Nokia 8110 | Téléphoner (émettre et recevoir) | Mis en images | ||||||
05/1997 | Ericsson Gf 788 | Téléphoner | Mis en images | ||||||
05/1997 | Ericsson GH688 | Recevoir un SMS Agenda (rappel de rendez-vous) Consulter l’heure |
Mis en images | ||||||
09/1997 Bikini | Motorola Startac |
Téléphoner (recevoir) | Mis en images | ||||||
10/1997 Coup franc | Motorola Startac | Téléphoner (recevoir) | Mis en images | ||||||
02/1999 | Nokia 9110 Communicator |
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08/1999 | Nokia 3210 |
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11/1999 | Nokia 7110 Foin | Rechercher des informations | Enoncé et mis en images par allusion à une expression figée de la langue française : chercher une aiguille dans une botte de foin | ||||||
03/2000 | Ericsson T28 | Emettre un appel | Mis en images | ||||||
03/2000 | Motorola serpent |
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05/2000 | Motorola Fred | Téléphoner Ecouter la radio Rechercher sur Internet |
Mis en images et mentions écrites (mise en forme comme une de liste menus) | ||||||
08/2000 | Nokia 9110i |
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11/2000 | Nokia 6210 |
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06/2001 | Nokia 9210 Communicator |
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05/2002 | SonyEricsson T68i |
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08/2002 | Nokia 7650 Voiture, ours, anniversaire |
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09/2003 | Sony Ericsson T610i | Prendre des photos Recevoir, regarder des photos |
Mis en images | ||||||
11/2004 | Nokia 7610 |
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12/2004 | Nokia 6230 |
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03/2005 | Motorola C975 | Recevoir un appel en visiophonie | Mis en images et mention écrite « visio rendez-vous » | ||||||
01/2006 | Nokia N70 |
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01/2006 | Motorola SLVR | Fonction sonore (recevoir un appel ou relever sa messagerie) | Mis en images |
Ce recensement permet de faire trois constats principaux. Tout d’abord, nous pouvons remarquer que les utilisations représentées varient en fonction des périodes de diffusion des spots publicitaires. Certaines sont plus souvent mises en scène (énoncées ou mises en images) à certaines périodes. Par exemple, les représentations des utilisations liées au WAP (surfer sur Internet, recherche d’informations, accès aux services WAP) sont fréquentes entre 1999 et 2000. Au cours de ces deux années, le nombre de leurs mises en scène connaît une ascension. Les utilisations « photographier, filmer » (fonction « caméra ») sont, quant à elles, représentées à partir de 2002. La visiophonie est une utilisation montrée dès 2005.
Afin de rendre plus explicite cette répartition, nous avons élaboré un graphique synthétisant les principales données recensées. Les résultats sont exprimés en pourcentage en fonction du nombre de spots diffusés par année.
Ce graphique aurait, certes, été plus représentatif avec un nombre de spots étudiés plus conséquent. Toutefois, il permet d’illustrer les tendances énoncées précédemment. Dès lors, à terme, élargir notre étude à l’ensemble des spots publicitaires des constructeurs diffusés en France pourrait nous permettre de confirmer les tendances dégagées à partir de notre corpus.
Ce graphique permet, en outre, de relever une forme de variation quant à la hiérarchisation des usages promus. Nous pouvons, en effet, relever un déclin des représentations des utilisations « téléphoner » (émettre ou recevoir un appel, conversations téléphoniques) au profit de la mise en scène d’autres catégories d’usages. Les représentations des utilisations « téléphoner » deviennent de surcroît moins explicites.
Finalement, ce graphique souligne trois phases préférentielles : une phase « téléphoner » jusqu’en 1999, une phase « WAP, internet » entre 1999 et 2001, et une phase « fonctionnalités images » à partir de 2002. Ainsi, les représentations des utilisations dans les spots publicitaires varient vraisemblablement en fonction de l’ajout de fonctionnalités et de la banalisation de celles antérieurement mises en valeur. Les images semblent épouser ces changements techniques malgré l’incertitude de leur succès commercial. En d’autres termes, une argumentation reposant sur le « plus produit » est préférée à une valorisation basée sur l’amélioration d’une fonction présente précédemment.
Ensuite, ce recensement souligne une diversification des utilisations représentées. Dans les spots publicitaires, l’analyse de leur mise en scène montre un élargissement des utilisations possibles du mobile. Le début des années 2000 semble, de surcroît, être une période charnière quant à la représentation de plusieurs utilisations via le terminal promu.
Enfin, les modalités de représentation varient. Dans un spot publicitaire, une utilisation peut être énoncée (parole, mention écrite) mais absente de la bande-images et réciproquement. Ajoutons néanmoins que les utilisations mises en images sont souvent renforcées par les propos tenus par la voix-off ou les mentions écrites (principe de la redondance). Le message linguistique joue dans ce cas une fonction d’ancrage. Précisons que les spots dans lesquels un usage mis en scène n’est pas énoncé linguistiquement sont de deux ordres :
A l’inverse, le message linguistique assure souvent une fonction de relais par rapport aux utilisations mises en images. Il permet d’ajouter des possibilités d’utilisations qui ne sont pas visibles. Ce rôle devient d’ailleurs fréquent dès la fin des années 2000 728 . Toutefois, interpréter le choix de l’une de ces modalités par rapport à l’autre (énoncés ou mis en images ou les deux) nous semble délicat. Pour chaque catégorie d’utilisation nous avons, en effet, élaboré des graphiques comparatifs 729 . Or, à partir de ces diagrammes, émettre des hypothèses quant aux choix de mises en scène nous paraît hasardeux. Prenons par exemple, le graphique comparant les modalités de mise en scène des utilisations « téléphoner » (émettre, recevoir un appel, conversations téléphoniques).
Pourquoi cette utilisation est-elle majoritairement mise en images ? Est-elle plus facile à « imager » ? De plus, nous pouvons nous interroger sur l’évolution de ce graphique. Ce diagramme illustre-t-il une évolution du degré d’implicite du message publicitaire ? Enoncer verbalement que l’objet promu permet de téléphoner devient-il nécessaire quand une confusion avec une autre catégorie d’objets est envisageable ? Ces questions se posent. Néanmoins, leur apporter une réponse ne relève pas de l’évidence.
Ce tableau est présenté en intégralité en annexe, pp. 374-380.
Ce constat est, par ailleurs, corrélatif à l’évolution de l’argumentaire publicitaire comme nous le verrons par la suite
Deux autres graphiques sont inclus en annexe. Ils concernent les représentations des utilisations « WAP, surfer sur Internet » et « photographier, filmer ». Tous deux montrent que la nature des modalités de représentation (énoncés ou mis en images) ne sont pas signifiantes. Voir p. 383.