4°) Evolution de l’organisation des thèmes dans les modes d’emploi de mobiles

Sur l’ensemble des manuels de notre corpus, le constat d’une autre variation discursive doit être souligné. Il concerne l’organisation des thèmes objectifs dans les documents. Attardons nous sur ce changement et sur son intérêt pour notre analyse.

A partir du modèle de M. Legrand et D. Boullier ⁸⁰⁵ , un repérage des thèmes objectifs, périphériques et réflexifs a été effectué. Comme nous l’avons précisé précédemment ces trois thèmes sont repérables dans l’ensemble des documents de notre corpus. Or le raisonnement organisant le mode d’exposition des thèmes objectifs a vraisemblablement changé – ce qui n’est pas sans incidence sur les représentations socio-techniques du mobile véhiculées. La logique d’exposition des fonctions/utilisations dans les premiers manuels est surtout chronologique. Le rédacteur adopte une structuration reposant sur une forme de temporalité des actions et des objectifs utilisateurs. C’est le temps qui relie, structure la présentation. Une hiérarchisation des fonctions (de base, optionnelles, rares) reste certes présente mais la logique qui sous-tend l’ordre d’exposition de certaines fonctions est temporelle. Par opposition, dans les manuels récents les objectifs sont principalement classés en fonction de leur appartenance à un menu (imagerie, vidéo, répertoire…). La logique de présentation paraît s’appuyer sur l’arborescence des menus. L’organisation d’exposition garde certes une certaine logique temporelle (1- installation, 2- mise en route, 3-appel…) mais les fonctions sont surtout classées en fonction de leur appartenance à un thème du menu.

Pour plus de clarté, prenons un exemple. Dans les manuels les plus anciens, « émettre un appel à partir du répertoire » est présenté successivement à l’objectif « émettre un appel ». Dans les manuels récents, cet objectif est abordé lors de la présentation du menu répertoire. Sa position ne répond plus à une logique temporelle.

Par ailleurs, l’accroissement du nombre de titres de premier niveau dans l’arborescence du sommaire (correspondant de surcroît à un menu de l’interface utilisateur) renforce, à notre avis, ce glissement.

En bref, entre 1996 et 2006, l’ordonnancement de présentation de certaines fonctions ne repose plus sur la même logique. Cette évolution (passage d’une organisation temporelle à une structuration en menu) est, à notre avis, significative d’une modification de l’imagerie du mobile à un double niveau. Premièrement, le classement des buts par menus thématiques ressemble à celle pratiquée dans les environnements informatisés (menus des logiciels par exemple). Cette structuration participe donc à la construction d’une image du mobile comme terminal multimédia. Deuxièmement ce changement implique une modification des logiques de classification pratiquées par les rédacteurs techniques. Pour les premiers mobiles, les fonctions sont principalement présentées suivant le moment où elles sont envisageables. Par la suite, les rédacteurs semblent se baser sur l’agencement interne de l’interface graphique de l’appareil. Progressivement, l’organisation se structure selon des grandes catégories d’utilisation.