A l’issue de notre étude, deux imageries récurrentes dans chacun de ces discours ont pu être identifiées entre 1996 et 2006 :
Ainsi, au cours des dix années étudiées, les deux images transversales du mobile dans ces deux discours, sont différentes, voire contradictoires. Chacune de ces productions discursives construit une représentation du téléphone mobile en fonction des modalités de son genre. Cette conclusion n’a en soi rien d’extraordinaire. M. Legrand a déjà relevé l’opposition, la contradiction entre ces deux genres discursifs. Rappelons qu’il explique que la publicité construit une illusion autour du produit et de son utilisation ; celle d’un objet qui fonctionne seul, d’un utilisateur ultra compétent, d’une jouissance immédiate du produit. Or, dans cette représentation idéalisée, le mode d’emploi n’a pas sa place 809 . Notre analyse confirme cette opposition. Cela dit, notre position se veut différente. Notre interrogation ne cherche pas à comprendre la désaffection du mode d’emploi. Nous ne souhaitons pas juger ou évaluer ces deux images : expliquer que l’une serait plus illusoire que l’autre, dire que la publicité idéalise le mobile là où le mode d’emploi le désacralise ne permet pas de comprendre les relations entre ces images et l’insertion sociale de l’objet qu’elles représentent. Dans notre perspective, interroger la cohabitation de ces deux images nous paraît plus pertinent.
Qu’est-ce que la coexistence de cette imagerie hétérogène nous indique ? Elle montre que le discours sur un objet technique contemporain, ici le téléphone mobile, n’est ni uniforme ni unificateur. Elle indique aussi que le cadre des possibles, qui délimite les représentations de l’objet, s’emboîte avec d’autres cadres normatifs notamment celui du genre discursif. L’image récurrente du mobile véhiculée dans chacun de ces discours garde la trace, la marque du genre discursif dans lequel elle s’actualise 810 . Ainsi, cet objet peut devenir produit, symbole, appareil, outil ou fonction selon le discours dans lequel il se trouve mis en scène. Le choix de son identité est donc en quelque sorte « fixé » par le discours.
Cela dit, constater ces divergences ne doit pas laisser croire qu’aucun rapprochement n’est possible entre les imageries de ces deux productions discursives. S’il est un point commun, c’est le sens des évolutions des représentations socio-techniques. Les deux imageries du mobile tendent, en effet, à varier dans le même sens. Dans l’un comme dans l’autre de ces discours, un double glissement de l’image de l’appareil est à l’œuvre : d’une part, le passage d’un radiotéléphone à un terminal multimédia et d’autre part le changement de statut social de l’objet (statut d’innovation/nouveauté vers produit de consommation courante) 811 .
L’expression du « devoir faire » passe notamment par l’utilisation de l’impératif. Pour exemple voir le tableau p. 282.
Marc Legrand, op. cit., pp. 61-64
Voir le point suivant « Le poids des contraintes discursives dans la construction des images du téléphone mobile »
Voir « Tenter d’expliciter les variations : « éléments de contexte (1996-2006) et éléments de réponse » pp. 328-334.