1°) Des reflets de l’évolution des fonctionnalités techniques du téléphone mobile

Parmi les évolutions de représentations relevées, plusieurs peuvent être explicitées par l’évolution des fonctionnalités de l’appareil. Les spots publicitaires et les modes d’emploi semblent refléter les modifications apportées par les concepteurs au téléphone mobile concourant au passage d’un radiotéléphone à un terminal multimédia.

Les représentations du portable paraissent en effet liées à l’élargissement des fonctionnalités de l’objet technique. Dans les publicités et les modes d’emploi, la typologie des utilisations représentées varie en fonction de l’adjonction de certaines fonctions (WAP, appareil photo, vidéo…). De nouvelles utilisations sont mises en scène ou énoncées parallèlement à l’intégration de ces fonctionnalités dans l’appareil.

Relevons toutefois, que les représentations des utilisations dans ces deux discours constituent des possibilités d’usage. Elles ne montrent qu’une partie des utilisations possibles à partir des caractéristiques techniques. Elles adoptent une logique normative. Prenons une nouvelle fois l’exemple de l’utilisation du téléphone mobile comme lampe de poche – utilisation possible notamment grâce à la luminosité produite par l’allumage de l’écran. Nous pouvons supposer que si une lampe est intégrée « distinctement » à l’appareil, son utilisation sera explicitée dans le mode d’emploi (« pour allumer et éteindre la lampe »), voire valorisée dans les spots publicitaires (« Ce téléphone mobile intègre de nombreuses fonctions. C’est un appareil photo… une lampe de poche… »). Cela dit, tant que cette fonction n’a pas été explicitement prévue lors de la conception, elle n’est vraisemblablement pas « digne » d’être représentée dans ces deux discours. Précisons que ce constat n’a pas pour objectif de signifier que les spots publicitaires comme les modes d’emploi seraient des traductions exactes de la conception ou de l’imaginaire des concepteurs. Des transformations, des décalages sont, en effet, obligatoirement à l’œuvre (principe de la médiation). Ce constat vise surtout à mettre en évidence la proximité entre les deux discours étudiés et la conception de chaque modèle de mobile.

De plus, le changement de la structuration principale des modes d’emploi (chronologique à thématique) et le développement de la valorisation des écrans des mobiles dans les spots publicitaires soulignent une imbrication entre les propriétés techniques de l’objet (taille et définition des écrans, système d’exploitation…) et ses modalités de représentation.

Une relation étroite existe donc entre les images médiatiques du mobile et sa conception. Les deux imageries passent, toutes les deux, de la mise en scène d’un objet technique de type radiotéléphone à celle d’un terminal multimédia. Ces deux discours gardent la trace de ce changement d’identité. La difficulté réside ici dans l’impossibilité de caractériser cette relation. Est-ce l’imaginaire social qui change et qui conduit à modifier l’objet technique ? Ou est-ce l’inverse ? En définitive, aucun raisonnement déterministe ne peut expliquer cette relation car ces phénomènes et leurs évolutions sont inséparables. Risquons nous alors à énoncer que le téléphone mobile et ses représentations sont de même « nature » : ils sont en devenir.